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 Et si l'on se penchait sur le genre ?

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Et si l'on se penchait sur le genre ? Empty
MessageSujet: Et si l'on se penchait sur le genre ?   Et si l'on se penchait sur le genre ? Icon_minitimeDim 28 Aoû - 9:18

Au secours ! Le Figaro Mag veut sauver les garçons
Par cyril barde | Elève ENS de Lyon | 22/08/2011 | 18H24
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Dans son édition de ce week-end, Le Figaro Magazine proposait un dossier sur les différences entre garçons et filles. Cyril Barde, l'un de nos riverains qui a travaillé sur ces questions au cours de son master à l'Ecole normale supérieure de Lyon, a voulu réagir « à cet entretien qui réhabilite l'anatomie comme destin ».

Quand Le Figaro Magazine présente un dossier sur les questions de genre, ça fait plutôt mal. Le titre aurait dû me mettre la puce à l'oreille : « Garçons-filles : pourquoi sont-ils si différents ? ». Le moins que l'on puisse dire, c'est que la question est déjà biaisée.

Le dossier comprend plusieurs articles, dont un entretien avec le pédopsychiatre Stéphane Clerget, intitulé « Il faut sauver les garçons ».

Sous couvert d'une volonté de rupture avec les stéréotypes de genre et d'un renouvellement de l'approche, l'entretien enchaîne avec désinvolture les clichés et les prises de position essentialistes, comme ce délectable : « On sait depuis le Moyen Age que le verbe est féminin et l'acte, masculin. »

Les filles dans l'introspection, les garçons dans la projection
Comment mieux reconduire les sempiternelles dichotomies (analysées par Bourdieu dans « La Domination masculine ») entre un féminin passif, intérieur, relégué dans l'espace privé, et un masculin actif, extérieur, destiné à occuper l'espace public.

Pis, M. Clerget réactive tout l'imaginaire patriarcal sous les oripeaux pseudo-modernes d'une analyse psycho-biologique qui laisse songeur tout lecteur ayant de près ou de loin approché les gender studies :

« Selon moi, l'enfant pense aussi en fonction de son corps et de sa génitalité. Les filles perçoivent très vite que leur génitalité est à l'intérieur d'elles, c'est-à-dire qu'elles auront plus tard un bébé dans le ventre. Cela ne favorise-t-il pas les activités introspectives, l'imaginaire ?

Les garçons, eux, réalisent que leur génitalité est extérieure. Ils sont plus dans la projection : ils lancent des projectiles, tirent au pistolet ; tandis que les filles, elles, tirent davantage pour ramener à elles : elles tirent les cheveux par exemple. »

La prépondérance du biologique
On n'est pas loin du fameux « Tota mulier in utero ». Même si quelques concessions sont faites aux facteurs culturels et sociaux qui expliquent la construction des différences de comportements des garçons et des filles, ceux-ci sont vite éludés pour insister sur le rôle du biologique, considéré par Stéphane Clerget comme premier et prépondérant.

En effet, « l'imprégnation hormonale » du fœtus est censée rendre compte des différences de niveau en maths ou en français observées entre garçons et filles : « Cette imprégnation hormonale favorise l'agressivité des garçons, ce qui encouragerait leur esprit cartésien. »

Les travaux de la neurobiologiste Catherine Vidal, bien plus sérieux, décortiquent au contraire tous les mécanismes culturels et sociaux qui fondent ces différences.

Le lecteur de l'entretien s'amuse en notant la coexistence d'éléments donnés comme gages de scientificité (rôle des hormones dans la formation du cerveau du fœtus) avec des développements tels que celui que nous venons de citer, ancrés dans une mythologie essentialiste qui s'appuie sur le discours métaphorique.

On se demande bien quel peut être le lien entre agressivité hormonale et esprit cartésien… Tout l'argumentaire déployé dans l'entretien tend donc à figer et à naturaliser des différences quasiment innées dans l'immuabilité du destin biologique.

L'échec scolaire ? La faute à un corps enseignant trop féminisé
Ainsi, les réponses que le pédopsychiatre tente d'apporter aux nouveaux enjeux de la construction de l'identité des jeunes enfants semblent pour le moins inadaptées. Allant jusqu'à évoquer la suppression de la mixité (« ce serait mieux que la situation actuelle »), M. Clerget compte résoudre le problème – bien réel – de l'échec scolaire masculin grandissant en masculinisant le corps enseignant au primaire et au collège, trop féminisé à son goût. Tout se joue selon lui dans la capacité d'identification de l'élève garçon au détenteur du savoir et de l'autorité.

La pensée essentialisante de M. Clerget semble concevoir le genre comme un système binaire à deux pôles complémentaires dont les référents, auxquels on peut s'identifier comme individu masculin ou féminin, doivent être en équilibre.

Jamais les causes sociopolitiques de la féminisation de l'enseignement des premier et second degrés ne sont examinées. Il est vrai que le pédopsychiatre pose à juste titre la question des difficultés spécifiques rencontrées par les garçons et les jeunes hommes au cours de leur formation. Les problématiques propres à la construction de la masculinité doivent être envisagées, et un certain nombre des solutions concernent évidemment l'école.

Mais en naturalisant la supposée agressivité hormonale des garçons, en enfermant ces derniers dans des stéréotypes de genre qu'il croit pourtant combattre (hyperactivité, violence à maîtriser, esprit cartésien…), Stéphane Clerget nuit à sa propre entreprise.

Le culte de la performance complètement occulté
On ne sauvera pas les garçons en leur tendant le miroir d'une identité masculine éternelle où virilité rime avec agressivité, puissance et domination. Oui, monsieur Clerget, il faut sauver les garçons… mais en les libérant d'abord des stéréotypes et des injonctions de plus en plus contradictoires qui pèsent sur la construction de leur masculinité (dureté vs sensibilité, force vs douceur…).

De même, il faut s'interroger sur les représentations sociales et culturelles qui poussent à déconnecter masculinité accomplie et réussite scolaire, sujet pourtant effleuré dans l'entretien :

« Au collège, il y a même des garçons qui jouent à être moins bons pour ne pas se faire traiter d'intello ou de fille. »

Jamais le rôle écrasant d'une société de la performance, qui s'exerce tout particulièrement sur les jeunes hommes, n'est abordé. C'est justement peut-être parce que la performance prônée par la société néolibérale est avant tout et par-dessus tout fondée sur le succès économique et financier que réussite scolaire et épanouissement intellectuel se dévalorisent en même temps qu'ils se féminisent (dans un mouvement circulaire bien connu)…

Sauver les garçons, oui ! Mais les sauver d'abord de conceptions essentialistes et naturalisées qui, pour parler comme Bourdieu, leur tendent autant de pièges qu'elles ne leur accordent de privilèges. Voilà une clé de l'émancipation des hommes et des femmes en ce début de XXIe siècle.
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