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 Une nouvelle approche : la biophysique

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Date d'inscription : 25/04/2008

Une nouvelle approche : la biophysique Empty
MessageSujet: Une nouvelle approche : la biophysique   Une nouvelle approche : la biophysique Icon_minitimeLun 26 Déc - 5:54

Une nouvelle espèce est en train d'envahir les laboratoires de biologie : le physicien. Ce n'est pas la première incursion de l'Homo physicus dans les sciences du vivant puisque, après tout, les rayons X, les lasers ou les IRM, couramment utilisés dans les hôpitaux ou les laboratoires, sont sortis de leurs cerveaux.
Mais cette fois l'impétrant revient moins avec de nouveaux outils qu'avec une nouvelle manière de penser. Au-dessus des paillasses, on ne parlera donc plus de "gènes", mais de "forces", de "viscosité", de "pression", de "symétrie", de "diffusion"... Autant de mots issus des lois de la mécanique, de la thermodynamique ou de la mécanique des fluides. Et pour marquer la nouveauté, de nouvelles étiquettes apparaissent pour nommer ces équipes interdisciplinaires : physique de la cellule, mécanobiologie, biologie quantitative...

"La cellule est pour l'organisme ce que l'atome est pour les molécules", résume Daniel Riveline, l'un de ces nouveaux venus auprès de ses collègues biologistes, directeur (CNRS) du laboratoire de physique cellulaire (structure mixte entre l'Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires et l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire - IGBMC - à Strasbourg). La cellule, ce petit tas mollasson de protéines de quelques dizaines de micromètres de long qui contient un noyau dans lequel sont codés nos gènes, est donc la nouvelle passion de certains physiciens. Une passion agitée.

Car, de même que les atomes interagissent entre eux, se déplacent ou s'associent, les cellules bougent, grandissent, se divisent ou meurent. Qu'il s'agisse de réparer des lésions ou de répondre à une inflammation. Qu'il s'agisse de sculpter un embryon ou au contraire de dégénérer en métastases. Les cellules se déplacent, se collent, se décollent, se contractent, se dilatent... Problème, on ignore essentiellement comment ! Quel mécanisme les propulse ? Comment se divisent-elles pour se multiplier ? Comment s'assemblent-elles collectivement sans trop d'erreurs de positionnement ? Et finalement, pourquoi les tissus, constitués de milliards d'entre elles, adoptent-ils telle ou telle forme ?

Comme en physique, il s'agit en somme de trouver des lois du vivant, aussi robustes que la loi de la gravitation universelle ou de la conservation de l'énergie. "Il y a dix ans, les biologistes regardaient avec une curiosité bienveillante, mais avec défiance, une physicienne s'attaquer à des questions de biologie", se souvient Cécile Sykes, de l'Institut Curie. "L'un d'eux, en me croisant me demandait d'un air moqueur : "Alors, ça ne marche toujours pas ?""

Il faut dire que la biophysicienne relevait un gros défi : faire avancer une bille de polystyrène inerte en s'inspirant du déplacement de la bactérie Listeria. Mais, en 2000, elle a réussi. "Nous cherchons des effets génériques s'expliquant indépendamment des gènes et protéines impliqués", précise Jean-François Joanny, de l'Institut Curie. Ce chercheur a d'ailleurs montré que la motilité des cellules a de forts points communs avec les vols d'étourneaux ou les migrations de troupeaux de bisons.

"Nous ne faisons pas disparaître les gènes du paysage, mais nous changeons d'approche : les propriétés de la matière cellulaire ou tissulaire, tout comme l'environnement autour d'elle, comptent aussi", précise Daniel Riveline, coorganisateur d'une première conférence internationale sur la physique des cellules à Strasbourg les 7 et 8 novembre. Sur les diapositives des orateurs, des équations, des symboles de dérivées ou d'intégrales...

Cette nouvelle génération de biologistes férus de physique ou de physiciens conquérants de nouveaux champs du vivant croient en la puissance de leur discipline. Les Etats-Unis ont ainsi lancé un plan de lutte "physique contre le cancer", en 2009, pour 150 millions de dollars. Les maladies congénitales sont aussi concernées. Quelques start-up éclosent. Surtout, des résultats étonnants ont déjà été obtenus.

En 2006, l'équipe de Dennis Discher, de l'université de Pennsylvanie, surprend tout le monde. Les cellules sont capables de changer de nature en fonction du substrat sur lequel elles prolifèrent. Sur un support "mou", les cellules souches se différencient en neurones. Sur un support dur, elles deviennent des cellules osseuses. Et cela sans modifier la composition chimique du milieu de culture comme beaucoup de laboratoires le font pour orienter le destin des cellules souches. Tout se passe comme si les cellules avaient, comme nous, le sens du toucher.

Cela s'inscrit dans la lignée d'un travail pionnier de 1997 du père de la mécanobiologie, Donald Ingber, de l'université Harvard, qui avait contraint des cellules au suicide, l'apoptose, en les accrochant à des surfaces de plus en plus petites. La voie était donc ouverte pour comprendre les interactions subtiles entre intérieur et extérieur d'une cellule, aussi appelée mécanotransduction. "Nous avons observé que la cellule sent véritablement le substrat. Son squelette interne se réorganise, mais cela va jusqu'au noyau, même s'il reste à comprendre toutes les interactions", rappelle Benoît Ladoux des universités Paris-VII et de Singapour.

Ce chercheur et son équipe sont passés maîtres dans la mesure des forces exercées par une cellule sur un support. Pour mesurer les quelques milliardièmes de newton de force dont est capable une cellule (porter un litre de lait correspond à environ 10 newtons), il la dépose sur une surface piquetée de dizaines de petits plots. Les "doigts" de la cellule tirent sur ces plots, dont la déformation observable est traduite en force. C'est ainsi qu'ils ont étudié la bactérie responsable de la blennoragie, Neisseria gonorrhoeae. Celle-ci infecte les cellules en chamboulant leur métabolisme par la simple traction exercée par ces longs cils. Quelques piconewtons suffisent...

En appuyant à peine plus fort sur des embryons de mouche, Emmanuel Farge, de l'Institut Curie, avait réussi, en 2003, à modifier l'expression des gènes. Une preuve de plus que la contrainte environnementale agit aussi au coeur même de ces petits tas mous pas si passifs que cela.

Dans la même veine, l'Espagnol Xavier Trepat, de l'université de Barcelone, imagine un nouveau phénomène, la plithotaxie, où l'art pour une cellule de s'orienter en fonction des contraintes rencontrées dans l'environnement comme la rigidité ou l'élasticité du substrat. Cela s'oppose, ou le complète, au phénomène de chimiotaxie, où les organismes suivent à la trace des molécules chimiques.

Malgré ces progrès, bien des mystères subsistent sur le déplacement individuel des cellules. "Il n'existe pas encore de simulation complète de ce phénomène", constate Jean-François Joanny. Certes le mécanisme qui fait avancer la Listeria a été mis en évidence. Certes on sait aussi que l'adhésion, influencée par la rigidité de la surface, compte, mais ce n'est pas suffisant. "Plus le support est rigide, plus la cellule exerce de force, et plus elle exerce de force plus elle tire sur son support qui devient donc plus rigide. Mais alors la cellule devrait se contracter à l'infini : qu'est-ce qui l'arrête ? Personne n'a la réponse", ajoute Manuel Théry, du CEA.

Déjà complexe au niveau d'une seule cellule, le problème se complique lorsqu'on s'attaque à des dizaines ou à des milliers de cellules, comme dans la formation de l'embryon (appelée morphogénèse). Les forces mécaniques sont là aussi un facteur-clé. "Nous avons cherché à comprendre la phase durant laquelle un tas de cellules s'allonge et devient au moins quatre fois plus long dans le cas du ver C. elegans, sans apport de nouvelles cellules", explique Michel Labouesse, de l'IGBMC, en prenant en main, dans son bureau une orange, représentant le tas initial de cellules, puis une banane, pour symboliser le tissu allongé.

Leur travail, paru en mars, montre le rôle de deux couches cellulaires superposées. La première, plutôt musculaire, exerce une série de contractions qui se transmettent mécaniquement à la couche de l'épithelium qui finit par réagir biochimiquement à cette sollicitation afin d'allonger et d'intercaler des cellules. "Des détails manquent encore, mais comme cette structure en deux couches est présente dans tous nos organes, cela ouvre des perspectives pour la réparation des tissus, les maladies congénitales ou le cancer", estime Michel Labouesse.

Son collègue, et désormais directeur, Olivier Pourquié s'est intéressé à l'étape suivante du développement, l'apparition des vertèbres. En termes plus "physiques", il s'agit de l'apparition d'une série de segments de même taille et de même écartement. En 1997, il découvre que cette régularité impressionnante est liée à une horloge biologique traduisant les gènes à intervalles réguliers. En 2008, il trouve comment cette horloge s'arrête, même chez les serpents (qui ont dix fois plus de vertèbres que nous). Enfin, en 2010, il raffine encore son modèle mêlant génétique, mathématique et physique, en suivant pratiquement chaque molécule impliquée dans le processus. "Nous avons mis en évidence une propriété émergente du système qui n'était pas intuitive. La solution est assez fascinante et implique des concepts qui parlent aux physiciens (diffusion, rétroaction, gradient...). Et ça les attire !", constate Olivier Pourquié. Même état d'esprit chez Jean-Michel Joanny : "Nous trouvons dans la biologie des problèmes intéressants aussi pour la physique." Contrairement à la guerre des étoiles, cette fois la Force est avec tout le monde.

David Larousserie
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