Marie Jean-Joseph Lataste (1832-1869) est béatifié le 3 juin à Besançon. Le dominicain a fondé la communauté des Sœurs de Béthanie, vouée à accueillir des détenues en fin de peine.
La photographie qui orne sa biographie est trompeuse. Le P. Lataste y apparaît en habit de dominicain, tonsure traditionnelle et visage austère. Un religieux, un bienheureux et l’impression de connaître déjà l’histoire… Erreur !
Car le parcours qui a mené l’homme à s’intéresser au sort des détenues est pour le moins chaotique. Persuadé très jeune d’être appelé au sacerdoce, sa vocation s’évapore entre le petit séminaire et le lycée. Il devient contrôleur des impôts, déménage souvent, tombe amoureux fou d’une jeune femme, Cécile, qu’on lui interdit d’épouser. Seule constante dans cette période : la Conférence Saint-Vincent-de-Paul où il s’engage partout où il passe.
La mort de Cécile le renvoie à sa vocation. Il entre chez les dominicains en 1857, mais ce n’est que quelques années plus tard qu’il trouve sa voie. « Avec la pensée que c’était peut être inutile », il va prêcher une retraite à la prison pour femme de Cadillac, près de Bordeaux. Il est saisi.
Malgré des conditions de détention insupportables, les détenues lui semblent bien plus proches de Dieu que bien des croyants libres. Le rapprochement avec les figures de Marie-Madeleine ou de la Samaritaine s’impose. « Oui, elles furent coupables, mais Dieu ne nous demande pas ce que nous fûmes, Il n’est touché que de ce que nous sommes. »
RÉHABILITATION
Au pardon chrétien, il associe l’idée de réhabilitation morale. Dans l’opuscule Les Réhabilitées, il dénonce les dérives de la société du second empire : une justice impitoyable envers les femmes, des conditions de détentions extrêmes et une impossible réinsertion. « Elles ont expié rudement leur crime, il est donc effacé, elles réclament instamment l’oubli, ce dernier des pardons », plaide-t-il. Signe ultime de réhabilitation et scandale pour l’époque, il fonde la congrégation de Béthanie qui accueille des anciennes détenues au milieu de religieuses au parcours plus classique.
La congrégation existe toujours et compte une centaine de religieuses. En France, elles sont présentes auprès des détenues de Rennes ou de Fleury-Mérogis. Aux États-Unis, une fraternité laïque dominicaine a vu le jour au cœur de la prison de Northfolk.
Plus généralement, cette « spiritualité de la miséricorde » proposée par le P. Lataste et cette volonté de poser un autre regard sur les exclus, a traversé le XXe siècle et se retrouve dans l’action de nombreuses associations qui œuvrent auprès des prisonniers. On l’aura compris : à l’heure des peines planchers et des débats sur la « vraie » perpétuité, les questions de la réhabilitation, du pardon et de l’oubli demeurent d’une grande actualité.
Le bienheureux Marie Jean-Joseph Lataste, Robert et Claude Evers, Cerf, 2012
Prier 15 jours avec le Père Jean-Joseph Lataste, Monique Longueira, Nouvelle Cité, 128 p., 12,50 €