Quatre grandes énigmes
de la physique à résoudre
M. Me.
08/09/2008 | Mise à jour : 22:56 | .
Origine de la masse, unification des forces : les chercheurs attendent beaucoup du LHC.
Le grand collisionneur de hadrons (LHC), que l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) va faire démarrer demain près de Genève, permettra-t-il aux scientifiques de repousser les limites du savoir ? «Sans le LHC, il est impossible d'aller plus loin en physique des particules», confie Robert Aymar, le directeur général du Cern. Et donc de résoudre des questions fondamentales laissées en suspens, concernant notamment l'origine de la matière dont nous sommes constitués et les quatre forces fondamentales de la nature (gravité, électromagnétisme, force nucléaire forte, force nucléaire faible), toujours en attente d'unification. Quatre grandes missions ont été confiées au LHC.
Trouver le boson de Higgs. Cette particule insaisissable a été inventée en 1964 par le physicien britannique Peter Higgs, «pour expliquer l'origine de la masse de toutes les particules de l'Univers, y compris la sienne propre», comme le décrit joliment Étienne Klein, physicien au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Sa découverte, pour laquelle les Américains du Fermilab, près de Chicago, sont en concurrence avec ceux du Cern, parachèverait le fameux «modèle standard», qui intègre, depuis la fin des années 1970, les connaissances actuelles dans le domaine de la physique des particules. La quête de ce Graal des physiciens se fera dans les deux grands détecteurs du LHC, Atlas et CMS (pour «solénoïde compact pour muons»). Mais les chercheurs souhaitent aller au-delà. «Si on ne trouve “que”le Higgs, ce sera un échec, prévient Étienne Klein, car on n'aura fait que confirmer l'existence d'une particule déjà prédite par la théorie.» En clair, la connaissance de la matière n'aura pas avancé d'un pouce et il sera très difficile de trouver des crédits pour construire une machine encore plus puissante vouée à prendre le relais du LHC, destiné à fonctionner pendant vingt-cinq ans. «Plus globalement, renchérit Étienne Klein, on risque de ne trouver que ce que l'on cherche, car les détecteurs sont réglés en fonction des modèles théoriques actuels.» Or l'enjeu consiste justement à dépasser certains de ces modèles, en obtenant, par l'expérience, des résultats susceptibles de les contredire. C'est-à-dire, en travaillant, comme c'est le cas au LHC, à des niveaux d'énergie encore jamais atteints dans un accélérateur.
Explorer la supersymétrie. Ce concept permettrait d'expliquer l'une des découvertes les plus étranges de la dernière décennie, à savoir que la matière visible (ou baryonique) ne représente que 4 % de la masse totale de l'univers. La matière noire (23 %) et surtout l'énigmatique énergie noire (73 %), qui permet de rendre compte de l'accélération de l'Univers, se partagent le reste. Une explication serait qu'une partie de la matière noire est faite de particules supersymétriques, comme les mystérieuses Wimps (acronyme anglais signifiant «particules interagissant faiblement avec la matière») qui n'ont encore jamais été détectées. Enfin, la validation de la supersymétrie favoriserait l'unification des forces fondamentales à l'œuvre dans la nature, mais cette supersymétrie ne s'exprime qu'à des niveaux d'énergie extraordinairement élevés. «Si le LHC confirme cette théorie, il y aura sans aucun doute un prix Nobel pour ses inventeurs», prédit le physicien américain Lee Smolin dans son remarquable ouvrage Rien ne va plus en physique ! (Dunod, 2007).
Percer le mystère de la matière et de l'antimatière. Lorsque l'énergie se transforme en matière, elle produit une paire de particules et son reflet, une antiparticule de charge électrique opposée. Lorsqu'une particule et son antiparticule entrent en collision, elles s'annihilent mutuellement en un petit éclair d'énergie. La logique voudrait que matière et antimatière existent dans l'univers en quantités égales, mais le mystère, c'est qu'en fait l'antimatière est rare. Le détecteur LHC a été conçu pour résoudre cette énigme.
Recréer les conditions qui prévalaient dans les millièmes de seconde qui ont immédiatement suivi le big bang. La matière était alors une soupe dense et chaude appelée plasma quarks-gluons. En se refroidissant, des particules appelées quarks se sont agglutinées en protons et neutrons et autres particules composites. Le LHC fracassera des ions de plomb les uns contre les autres dans le détecteur Alice, générant brièvement des températures cent mille fois plus élevées que celle du centre du soleil. Ces collisions libéreront les quarks de leur gangue. Les chercheurs pourront alors voir comment ces quarks libérés s'agglutinent pour former de la matière.
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