Dans le bruit des tronçonneuses, les forêts primaires d’Indonésie disparaissent, pour laisser place à de gigantesques plantations de palmiers à huile.
Ces exploitations à faible coût et très fort rendement permettent de produire un or jaune et visqueux, l’huile de palme. Elle est présente partout : dans la salle de bains (shampoings, savons…), la cuisine (chips, biscuits…), la gamelle du chien ou encore le carburant des voitures. Si elle dope l’économie de quelques pays asiatiques (l’Indonésie et la Malaisie fournissent 86 % de la production mondiale), l’huile de palme ravage leurs écosystèmes.
Avec le soutien de Greenpeace-UK, l’antenne britannique du mouvement de protection de l’environnement, la photographe Isabelle Alexandra Ricq a sillonné l’île de Bornéo (partagée entre le Sultanat du Brunei, l’Indonésie et la Malaisie), où les palmiers remplacent peu à peu les forêts marécageuses. Elle y a constaté les dégâts occasionnés par cette culture. Les photos d’Isabelle Alexandra Ricq témoignent d’une déforestation à grande échelle. Pour produire cette huile, il faut un climat tropical, peu de main-d’œuvre et beaucoup d’espace. Voilà pourquoi Indonésie et Malaisie ratiboisent leurs forêts pour y planter des palmiers. L’Indonésie détruit chaque année 2 millions d’hectares de forêts. En cinquante ans, le pays a perdu 72 % de ses forêts anciennes.
Parlant l’indonésien, circulant à loisir sur l’île de Bornéo, la photographe a récolté des informations pour le compte de Greenpeace, qui lance une campagne, en visant particulièremennt le groupe Unilever. Sur sa moto, Isabelle Alexandra Ricq est passée des pépinières aux usines, a approché les travailleurs migrants de cette filière, est entrée dans les usines pour constater avec effroi «la disparition d’un monde». Depuis le début des années 90, les surfaces plantées ont doublé en Malaisie et quintuplé en Indonésie. Le Vietnam et le Cambodge se lancent à leur tour dans cette culture lucrative. Avec, à la clé, les mêmes conséquences écologiques.
En asséchant et en brûlant les zones marécageuses, les plantations rejettent de gigantesques quantités de méthane et de CO2, deux des gaz à effet de serre les plus réchauffants. Ainsi, les tourbières d’Indonésie ne représentent que 0,1 % de la surface la planète mais elles contribuent à 4 % des émissions globales annuelles. Autres victimes, les grands singes. Les écosystèmes de Bornéo abritent 55 000 orangs-outangs, gravement menacés par la progression des plantations. Friands des jeunes pousses de palmiers, ces «hommes de la forêt» (c’est le sens d’orang-outang en malais) sont régulièrement abattus, les petits capturés et revendus au marché noir. Tout cela parce que la consommation de l’huile de palme progresse à des allures folles. En Europe, la demande augmente de 13 % par an, depuis 2000. Désormais, un produit de grande consommation sur dix contient de l’huile de palme. En 2006, 38 millions de tonnes d’huile ont été produites dans le monde, un chiffre qui devrait doubler d’ici à 2030 et tripler d’ici à 2050.