Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
Les archives géologiques concernant les cinq cents premiers millions d’années de notre planète sont extrêmement rares car elles ont été détruites en très grande partie par le bombardement météoritique puis par la tectonique des plaques. Un groupe de chercheurs pense que la Lune pourrait avoir conservé dans son sol non seulement la date de l’apparition du champ magnétique de la Terre mais aussi peut-être de la vie...
Aller sur la Lune pour déterminer quand la vie est apparue sur Terre et quand le champ magnétique de notre planète s’est mis en place : la proposition semble de prime abord absurde. Toutefois, les arguments fournis depuis quelque temps par un groupe de géochimistes méritent qu’on les examine de plus près.
On a peu de traces de l’Hadéen et du début de l’Archéen, même si l’on a récemment découvert dans la ceinture verte du Nuvvuagittuq ce qui pourrait être la plus ancienne roche connue sur Terre, et si l’analyse récente de zircons indique que la tectonique des plaques était déjà active à l’Hadéen. Le flou règne et on ne sait pas exactement quand les premiers organismes producteurs d’oxygène sont apparus ni même quand la géodynamo a commencé à fonctionner, entourant notre planète d’un cocon protecteur, sa magnétosphère.
Il n’y a plus de doute aujourd’hui, grâce à l’expérience VKS, que le champ magnétique terrestre tire son origine du mouvement turbulent d’un alliage de fer et de nickel dans le cœur de la Terre et que la rotation de la planète intervienne dans le phénomène. L’énergie alimentant le mécanisme semble provenir de la cristallisation de la graine mais on ne sait pas très bien quand elle a démarré ni produit suffisamment d’énergie pour former un champ conséquent. Tout juste peut-on estimer, si l’on croit aux dernières mesures de champ magnétique rémanent découverts dans des météorites, que la génération d'un champ magnétique par effet dynamo a pu démarrer très vite dans de nombreux corps célestes du système solaire.
Minoru Ozima et Yayoi N. Miura de l’Université de Tokyo, Qing-Zhu Yin de l’université de Californie (Davis) et Frank Podosek, de l’université Whashington à St. Louis dans le Missouri, ont eu une brillante idée pour, peut-être, apporter des réponses à ces questions.
Le souffle de la Terre sur la Lune
Ils font d’abord remarquer que la géologie lunaire a été moins perturbée depuis quatre milliards d’années environ que celle de la Terre. Ensuite, la Lune était à l'époque deux fois plus proche de la Terre. Si le champ magnétique terrestre était faible, le vent solaire pouvait donc emporter vers la surface de la Lune une partie des atomes d’hélium, d’azote, d’oxygène, de néon et d’argon présents dans la haute atmosphère, la planète n’étant pas autant protégée du souffle du Soleil que de nos jours.
L'évolution de ces traces dans le temps permettrait donc au minimum de reconstituer l'histoire du champ magnétique terrestre. Les auteurs expriment même l'espoir de retrouver un indice du début de production d'oxygène par les premiers organismes vivants photosynthétiques. La couche d'ozone qui se serait formée présenterait alors un rapport isotopique caractéristique des organismes vivants. Une infime portion de cet oxygène venant de l'ozone stratosphérique pourrait donc résider encore dans des grains de poussière lunaire.
La stratégie est donc simple mais fastidieuse. De nombreuses missions devraient rapporter du sol lunaire des centaines de milliers de grains contenant un minéral appelé l’ilménite. Les techniques d’analyse isotopique permettent en effet de dater les couches de ces grains. Il serait donc possible de repérer des enrichissement anormaux constitués des éléments cités, de leurs isotopes et de déterminer à quelles époques ils se sont formés. En principe, si le champ magnétique de la Terre ne s’est constitué que vers -3,5 milliards d’années, comme certains le pensent, alors on devrait pouvoir détecter une contamination du sol lunaire en provenance de la Terre dans son passé lointain.
Les chercheurs ne dissimulent pas un redoutable problème. En effet, un seul laboratoire bien équipé devrait pouvoir analyser quelques milliers de grains au plus. Or, il faudrait effectuer des analyses sur des dizaines de milliers de grains. Seule une collaboration internationale regroupant donc des dizaines de laboratoires pourrait venir à bout de la tâche.
Quoiqu'il en soit, il faudra retourner sur la Lune. Il semblerait bien, vu le nombre de missions récentes en direction de notre satellite, que l’humanité soit prête pour cela. L’installation d’une base permanente dans quelques dizaines d’années est d'ailleurs au programme...
Source :
http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/astronomie/d/les-traces-de-laube-du-champ-magnetique-terrestre-sur-la-lune_17605/