Ces bactéries qui font l'homme
Grâce aux récents progrès de la génétique, nous en savons plus sur les milliards de bactéries qui nous font vivre. Un écosystème surprenant.
Le corps humain, notre corps, est un paradis pour les bactéries. À l’âge adulte, nous en hébergeons au minimum cent mille milliards sur notre peau, dans notre bouche, notre tube digestif, et la moindre de nos cavités. Et c’est heureux ! Car cette flore bactérienne appelée microbiote, à laquelle nous consacrons notre dossier du mois de mai, accomplit des fonctions qui nous sont indispensables.
C’est en particulier le cas du microbiote intestinal. Pourtant, aussi essentiel soit-il, cet « organe bactérien » demeure très mal connu. Et pour cause : la plupart des bactéries qui le constituent sont réfractaires à la mise en culture. Dès lors, comment évaluer leur diversité et leur rôle ?
Grâce aux outils de la génomique ! En révélant les gènes présents dans tel ou tel écosystème complexe, ils permettent en effet d’en déduire son fonctionnement. L’Américain Craig Venter avait utilisé cette approche pour mieux connaître les bactéries des océans de la planète. Notre tube digestif, bien que moins glamour, représente un défi plus grand encore.
Ce défi, quelques équipes pionnières ont entrepris de le relever. Et dans un premier article, c’est leur patiente exploration que nous vous proposons de découvrir. Leurs premières découvertes, tellement prometteuses qu’elles ont motivé le lancement, fin 2008, de l’ambitieux « Consortium international du microbiome humain » où l’Europe, les États-Unis, le Canada, la Chine, et d’autres pays encore, se retrouvent pour coordonner leurs efforts.
À la clé, il y a un graal tout autant médical que scientifique. Car, on le sait maintenant, plusieurs maladies sont intimement liées, en partie au moins, à des disfonctionnements du microbiote.
C’est par exemple le cas de l’obésité. Qui aurait dit, il y a seulement cinq ans, que les bactéries intestinales avaient un impact sur le stockage des graisses par l’organisme ? Qui aurait osé suggérer que, pour soigner l’obésité, il puisse être judicieux de manipuler le microbiote intestinal ? Pourtant, aujourd’hui, cette possibilité est très sérieusement envisagée. Karine Clément et Joël Doré, respectivement médecin à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et microbiologiste à l’Inra, nous immergent dans ce domaine de recherche en pleine expansion.
Mais mieux vaut prévenir que guérir, dit l’adage. C’est précisément l’ambition de médecins confrontés à une autre maladie, l’entérocolite ulcéro-nécrosante. Ce fléau redouté des services de médecine néonatale s’attaque presque exclusivement aux nouveaux-nés prématurés. Plus ils naissent précocement, plus leur flore est différente de celle des bébés nés à terme. Et il semble que l’entérocolite trouve là ses racines. Aussi envisage-t-on de réduire son incidence en aidant ces prématurés à acquérir une flore normale. Marie-José Butel, professeur à l’université Paris-Descartes, nous l’explique : cette piste tient si bien la route que le projet Prémaflora, lancé en 2008, devrait d’ici 2011 livrer des protocoles stricts d’administration de probiotiques à ces nourrissons.
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