Numéro "Spécial Pape": pour l'Agrif, Charlie Hebdo a dépassé les bornes
Après neuf années de relations apaisées avec Charlie Hebdo, l'Agrif a renoué mardi avec le combat judiciaire, accusant, devant le tribunal correctionnel de Paris, le journal satirique d'avoir excédé sa liberté de critique lors de son numéro "Spécial Pape" de septembre 2008.
En cause, "deux petits libelles éminemment toxiques", selon les termes de l'Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (Agrif).
Dans le premier, titré "Fondamentaux", on peut lire: "Messe en latin, éducation religieuse, moeurs rigoureuses... Benoît XVI est pour un retour aux fondements du catholicisme. Nous aussi: que l'on redonne les Chrétiens à bouffer aux lions".
Le second passage poursuivi est une "devinette": "De quel ouvrage pornographique est tirée cette phrase: +on lui amènera des petits enfants pour qu'il les touche+? Réponse: l'évangile selon St Marc. Et c'est juste après que ce gros cochon de Jésus-Christ s'exclame: +Laissez venir à moi les petits enfants+"
Pour l'Agrif, ces deux brèves où "l'obscénité le dispute à la lourdeur" sont un "appel au lynchage des chrétiens". "C'est non seulement odieux, mais dangereux", a estimé Me Jacques Parisot, pour qui Charlie Hebdo "a outrepassé le genre clownesque dans lequel il se complaît habituellement".
Un point de vue retoqué par le ministère public qui, devant la 17e chambre, a revendiqué pour l'hebdomadaire le droit à la dérision. Pour le procureur Sandrine Alimi-Uzan, ces propos sont peut-être "injurieux", et encore, "c'est à débattre", mais ne constituent en aucun cas "une incitation à la haine".
L'avocate de Charlie Hebdo s'est, elle, étonnée que l'association poursuive ces seuls "propos potaches", "bien en-deçà" de nombreux autres publiés par le journal.
D'autant, selon Me Claire Chaillou, que le premier article "tend simplement à moquer le caractère rétrograde de certains pratiquants intégristes prônant un retour au passé", tandis que la "devinette" ne "fait que reproduire une plaisanterie éculée et fort répandue", utilisant la connotation sexuelle aujourd'hui accordée à l'expression +toucher les enfants+".
Jugement le 2 juin.