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 biologie synthétique et enjeux éthiques

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biologie synthétique et enjeux éthiques Empty
MessageSujet: biologie synthétique et enjeux éthiques   biologie synthétique et enjeux éthiques Icon_minitimeDim 24 Mai - 8:33

Petite typologie de la biologie synthétique et enjeux éthiques


par Bernadette Bensaude Vincent , Dorothée Benoit-Browaeys

Le cycle de débats en cours, intitulé « Ingénierie du vivant 2.0 : la
biologie synthétique en question », organisé par VivAgora depuis mars
dernier, met en valeur la diversité des démarches regroupées sous la
bannière de la biologie synthétique. Il est utile de tenter une
typologie des différentes approches, car elles ont des objectifs et
des visions bien différentes.

Nous proposons ici de caractériser trois courants concurrents actuels
- largement personnalisés par leurs leaders - qui considèrent
l’ingénierie du vivant à divers niveaux : celui de la cellule, celui
de l’ADN, et celui du génome entier en évolution. On peut se référer
utilement à l’article d’Anna Deplazes qui distingue pour sa part cinq
approches (1). Nous nous référons ici plutôt à la classification de
Maureen A. O’Malley publiée en 2007 (2). Chacune des catégories met
l’accent sur une spécificité du vivant : le compartiment et ses usines
(rapport à la matière), l’information portée par les gènes (rapport à
l’information), l’évolution de l’hérédité (rapport au temps).

- La première approche, celle des Biobricks (briques du vivant)
initiée par Drew Endy au Massachussets Institute of technology (MIT)
consiste à fabriquer des éléments de base, les briques du vivant
(protéines, ARN, etc). Elle privilégie le caractère modulaire du
vivant et prend racine dans une culture d’ingénieur. Elle se déploie
dans la même logique que celle des Engins de création d’Eric Drexler
et suscite l’enthousiasme de près d’un millier d’étudiants du monde
entier au sein du concours annuel iGEM. Elle mobilise des
informaticiens et modélisateurs. Les briques standardisées et stockées
sont en accès libre, mais il y a des brevets sur les moyens de les
assembler pour faire des circuits. Les chercheurs comme Jack W.
Szostak, à la Harvard Medical School, qui tentent de fabriquer des
protocellules, c’est-à-dire des espaces clos par une paroi qui se
forme par autoassemblage peuvent être associés à ce courant. De même,
Georg Church à Harvard vise à créer des vésicules (micelles, châssis…)
ou petits systèmes avec métabolismes rudimentaires par approximations,
soit en partant du bas (bottom-up) soit en partant d’intermédiaires.
Le but est de comprendre l’origine de la vie (cinquante ans après les
premières expériences de Stanley L. Miller), ou plus exactement la
transition entre non vivant et vivant. L’attention n’est pas
exclusivement portée sur l’information génétique mais aussi sur les
membranes et le métabolisme.

- La seconde approche inaugurée par Craig Venter, vise à fabriquer le
génome minimal de certains organismes. Elle parie sur la dimension
programmatique des « machines vivantes » et s’inspire de la métaphore
du programme. L’ambition est de fabriquer un support d’information
suffisant pour faire fonctionner une bactérie (ou une cellule)
préalablement vidée de son patrimoine héréditaire. Elle prend appui
sur les technologies de synthèse d’ADN dont les coûts et les délais de
production ont considérablement baissé ces dernières années. Elle a
une visée commerciale.

- Une troisième démarche exploite les dynamiques évolutives et leur
potentiel créatif. Ainsi Antoine Danchin (Institut Pasteur)
s’intéresse aux modalités de mise en œuvre de la variation et surtout
de la conservation des messages génétiques dans le vivant, considéré
comme un « piège à gènes ». Regardant la cellule comme un « piège à
information » ce dernier cherche à comprendre comment se maintient un
message stable dans le changement évolutif. L’ambition est ici
purement cognitive.

Une autre approche qui « parie » sur la créativité aveugle de
l’Evolution » est celle de Miroslav Radman (Hôpital Necker). Elle
investit le « champ des possibles » en comptant sur la Génération de
diversité (GoD) comme source de solutions nouvelles. Elle vise à faire
émerger des fonctions inédites non retenues par l’évolution mais
susceptibles de résoudre des problèmes qui comptent pour l’industrie
d’aujourd’hui, comme la fixation d’azote ou la production d’hydrogène.
Philippe Marlière (Pasteur, Isthmus) s’inscrit aussi dans cette
logique en promouvant une version radicale vers la création
d’organismes vivants originaux, rendus incapables d’échanger de
l’information avec le monde biologique actuel. Cela passe par exemple
par l’ajout d’une base inédite dans l’ADN.

Discordance de cultures et de représentations

Ce repérage établi, le point-clé est de saisir le défi que pose
l’irruption de la démarche d’ingénieur dans le monde vivant et les
conflits de représentation qui peuvent en découler. En effet, on
constate une discordance entre la culture programmatique d’ingénieur
qui prédomine dans la biologie synthétique et celle des biologistes
habitués à composer avec l’instabilité, les incertitudes et le temps.
La question qui se pose in fine est celle du respect et de la
légitimité de chacune d’entre elles.

Dès lors que la biologie synthétique considère les organismes vivants
comme des machines, faites de modules et programmées par les génomes,
elle est confrontée à au moins quatre dilemmes épistémiques et
tensions éthiques que nous exposons ici brièvement :

1) L’ingénierie du vivant suppose de créer des standards, des châssis
interchangeables, des modules fonctionnels ou bio-briques. Même si ces
modèles se situent à l’échelle moléculaire, peuvent-ils être
pertinents face à la diversité d’organisation du vivant ? Cela a-t-il
du sens d’imaginer des unités fonctionnelles identiques dans des
structures aussi variées qu’une hématite, un neurone ou une
bactérie… ? Car il est clair que la logique du “techno-marché”
valorise la production de dispositifs fiables, effectifs, prévisibles,
bref la démarche d’ingénieur est rentable. Dans cette dynamique, la
tendance à vouloir réaliser des outils animés ou des organismes
contrôlés prédomine. Le vivant de synthèse s’offre comme une
possibilité d’asservir les organismes aux obligations de régularité et
de stabilité des machines.

2) Si la modélisation- simulation permet de prévoir des taux de
croissance, des flux de matière, des rendements, il est peu probable
que l’on puisse aller jusqu’à une anticipation complète des
comportements des organismes vivants créés.

Ainsi, la métaphore du programme n’enferme-t-elle pas à nouveau le
vivant dans un cadre déterministe largement remis en question par les
biologistes ? Comment peut-on, dans ce contexte, donner des garanties
de sécurité ?

3) Le projet de créer des machines vivantes (ou usines cellulaires)
semble se heurter à l’impossibilité de compter sur la stabilité d’un
organisme en remaniement permanent du fait des mutations et du
vieillissement. Certes, nous savons “mettre en boîte” les organismes
en les confinant dans des milieux fermés (incubateurs) : les bactéries
Escherichia Coli font de l’insuline depuis quarante ans ainsi
stabilisées par un environnement invariant, même si des mutations
spontanées surviennent et qu’il faut parfois (voire souvent) remettre
les pendules à l’heure.

Certains experts considèrent que l’on peut imaginer une réglementation
européenne visant à certifier l’utilisation d’un OGS (organisme
génétiquement synthétisé) basée sur sa séquence génétique, sa fonction
et son environnement de croissance. Lorsque celui-ci est utilisé -
tous les ans par exemple - on peut demander le séquençage de la souche
du réacteur/fermenteur biologique. Si la souche a trop dérivé (% de
mutations), alors on demande soit la destruction et la synthèse de
novo d’une nouvelle souche conforme a ce qui a été demandé, soit une
autorisation pour une nouvelle souche (qui est peut être plus efficace
maintenant). De plus, l’ingénieur doit mettre en place une pression
sélective pour s’assurer de la non divergence de l’OGS.

4) L’esprit dans lequel se développe la biologie synthétique est
plutôt ludique et léger à l’inverse des débats d’Asilomar (1975). Il
faut se demander quelle perception des responsabilités est vécue ?
Quelle est la fascination qui opère ? Pourquoi le concours iGEM séduit-
il tant ?

Face aux projets d’ingénierie du vivant, se posent les questions
éthiques suivantes :

- que devient le rapport au vivant quant il est artefact, formaté par
les besoins humains ?

- quels sont les ressorts de pouvoir qui donnent la primauté à
l’information dans les représentation du vivant ? Peut-on corréler
cela à la vision dualiste qui donne de la valeur à l’esprit sur la
matière, au masculin sur le féminin (préformationnisme), à
l’information sur la structure ?

- est-on en mesure de maîtriser la propagation des “outils animés”
que l’on construit ?

- quels risques et quels bénéfices ? Pour qui ?

- qui est responsable des produits capables de se reproduire et
d’évoluer ? Quels contrôles a-t-on sur les séquences génétiques qui
confèrent des virulences redoutables à certains virus (variole,
charbon, grippe espagnole, poliomyélite…) ?


Source : http://www.vivagora.org/spip.php?article448



(1) Piecing together a puzzle pp.428- 432, EMBO reports, vol 10, N°5
2009
(2) Knowledge-making distinctions in synthetic biology , Maureen
O’Malley, Alexander Powell, Jonathan F. Davies, Jane Calvert, in
Bioessays 30.57-65 2007 Wiley Periodicals Inc


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