«Du point de vue du droit européen, la garde à vue à la française est illégale»
Le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris, Maître Christian Charrière-Bournazel, a vivement dénoncé ce mardi les conditions de la garde à vue pratiquée en France, contraires selon lui au droit européen.
Le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, Maître Christian Charrière-Bournazel, le 28 janvier
Le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris a dénoncé mardi les conditions de la garde à vue pratiquée en France, les jugeant contraires au droit européen, et a qualifié d’«inhumain et dégradant» le traitement d’une avocate gardée à vue lundi à Meaux (Seine-et-Marne).
«Je conseille à mes confrères de soulever partout les nullités des gardes à vue qui sont faites dans ces conditions à la française, qui sont contraires à ce que la jurisprudence de Strasbourg demande», a déclaré à l’AFP Maître Christian Charrière-Bournazel.
En France, a souligné Me Charrière-Bournazel, l’avocat n’apparaît qu’une demi-heure après la première heure de garde à vue, sans connaître le dossier. Il ne rencontre alors son client que pendant une demi-heure maximum et n’assiste pas aux interrogatoires, avant de le revoir à la vingtième heure.
Avocat obligatoire dès le début de la garde à vue
«Du point de vue du droit européen, la garde à vue à la française est illégale», a commenté le bâtonnier, évoquant deux arrêts de la Cour européenne des Droits de l’homme de Strasbourg du 27 novembre 2008 et du 13 octobre 2009.
Ce dernier, très détaillé, rend obligatoire la présence d’un avocat auprès de son client dès le début de la garde à vue, le défenseur ayant connaissance de tous les éléments du dossier pour préparer son client à l’interrogatoire, a précisé Me Charrière-Bournazel.
En vertu de l’arrêt de 2008, une condamnation qui se fonde sur des déclaration d’un gardé à vue sans l’assistance de son avocat est contraire «aux conditions d’un procès juste et équitable», a-t-il observé.
La Chancellerie souligne pour sa part que le code de procédure pénale, dans son article 63, prévoit bien l’accès à un avocat dès le début de la garde à vue, et que cette procédure est en oeuvre depuis près de dix ans.
«En aucun cas, la Cour européenne des Droits de l’homme n’exige que l’avocat soit présent pendant toute la durée de la garde à vue. Comment peut-on faire dire à l’arrêt ce qu’il ne dit pas?», a réagi Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la Justice, soulignant que les deux arrêts évoqués condamnent la Turquie.
Mise en examen d'une avocate lundi
A propos du placement en garde à vue de Me Caroline Wassermann, du barreau de Paris, lundi à Meaux, «c’est l’illustration d’un excès absolument lamentable, avec traitement inhumain et dégradant», a indiqué le bâtonnier Charrière-Bournazel. Celle-ci a été mise en examen pour violation du secret de l’instruction dans une affaire de stupéfiants et placée sous contrôle judiciaire.
Le bâtonnier a précisé que sa consoeur, «dans une affaire en rapport avec son activité professionnelle», avait été entièrement déshabillée, fouillée au corps et menottée.
«Ce n’est pas parce que c’est un avocat que c’est plus scandaleux, mais c’est une nouvelle fois l’illustration de l’abus des gardes à vue en France que nous dénonçons», a-t-il dit, précisant qu’il y a eu 600.000 gardes à vue cette année et que dans d’autres pays européens, en Espagne, en Italie, en Grande Bretagne, en Allemagne, l’avocat est présent dès la première heure de la garde à vue.