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 Regain de sacrifices humains en Afrique : mythe ou réalité ?

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Regain de sacrifices humains en Afrique : mythe ou réalité ? Empty
MessageSujet: Regain de sacrifices humains en Afrique : mythe ou réalité ?   Regain de sacrifices humains en Afrique : mythe ou réalité ? Icon_minitimeJeu 11 Fév - 14:39

Regain de sacrifices humains en Afrique : mythe ou réalité ?

Il n’est pas une semaine qu’un quotidien africain ne fasse la une avec un titre accrocheur relatif aux sacrifices humains. L’Ouganda ne fait pas exception à la règle, mais le phénomène touche aussi le Burundi et le Nord-Ouest de la Tanzanie à propos des albinos. Au Mali, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et en République du Congo, de tels faits sont aussi relatés ainsi qu’en Afrique du Sud. S’il est des cas totalement imaginaires pour ne pas dire fantasmés tenant plus de la légende urbaine que de la réalité, certaines disparitions d’enfants sont troublantes et les corps mutilés retrouvés régulièrement confirmeraient la persistance de la pratique de la sorcellerie. Si le sacrifice humain a été présent dans les cultures du monde entier, depuis la nuit des temps en passant par l’Antiquité du pourtour méditerranéen, par les civilisations précolombiennes et celles de la Chine et du Pacifique Sud, la pratique semble n’avoir perduré qu’en Afrique sub-saharienne et en Papouasie. Il existe quelques cas reportés de sacrifices sataniques effectués par des membres de sectes occidentales, mais les cas avérés, prouvés et condamnés sont de nos jours extrêmement rares pour ne pas dire exceptionnels.

Le thème du sacrifice humain est un terrain glissant où il est difficile de s’aventurer, sans tomber dans les clichés, les stéréotypes et les fantasmes occidentaux qui ramènent au sauvage avec un os dans le nez faisant cuire un missionnaire ou un explorateur dans une grande marmite. Si cannibalisme et sacrifices humains ont indéniablement existé jusqu’au début du 20ième siècle en Afrique, leur représentation en Europe a trop souvent tenu de l’image d’Epinal pour ne pas dire de la bande dessinée. La réalité de jadis tenait de la pratique religieuse, de la sorcellerie (dans le sens anthropologique du terme, c’est-à-dire communication et interférences avec les esprits) et de la recherche de pouvoir par les chefs traditionnels et devait respecter des rituels et des codes particulièrement élaborés. Cela n’a jamais été banalisé ni effectué aux yeux de tous et n’a concerné qu’un petit nombre d’initiés. Si le sacrifice humain ne se justifie pas, il s’explique dans un contexte spirituel où les esprits des morts interviennent et par la quête universelle de puissance, de pouvoir et de captation à son profit de forces occultes.

En essayant d’interpréter la Bible sous un autre angle que celui de la foi, il n’est pas impensable que les hébreux pré-abrahamiques, c’est-à-dire du 12ième siècle avant notre ère, aient pratiqué ce rituel. L’intervention divine demandant à Abraham de sacrifier un bélier à la place de son fils au dernier moment étant l’explication allégorique de l’abandon du sacrifice humain pour une autre métaphore d’adoration. Dans toutes les sociétés l’immolation aux Dieux puis à Dieu a été progressivement remplacée par un geste symbolique dont la communion chrétienne est l’exemple type. Il est d’ailleurs curieux que les missionnaires aient combattu les sacrifices humains, la sorcellerie et le cannibalisme tout en proposant à leurs nouveaux fidèles la théophagie par le biais de l’hostie.

Ce qui peut étonner, c’est la persistance de tels actes dans certaines régions d’Afrique, ou tout du moins l’utilisation de cette hypothèse pour expliquer des disparitions et des meurtres. Car de nos jours, les cas rapportés par la presse africaine, sont bien plus nombreux que ceux aboutissant en justice. Quant aux condamnations, elles sont fort rares, fautes de preuves matérielles, de témoignages sérieux et d’aveux. Mais ce qu’il ressort des journaux, des radios locales, c’est que les nouveaux commanditaires sont des hommes d’affaires africains ayant pignon sur rue et que les comparses arrêtés sont des hommes de mains agissant sur ordre, ou plutôt commande. En dehors des albinos, dont certaines parties du corps entreraient dans la composition de philtres, ce sont le plus souvent des enfants qui seraient sacrifiés. L’utilisation d’organes humains dans la préparation de potions est supposée donner force, puissance et richesse à ceux qui les ingèrent. Quelquefois, lors de périodes troubles, de crise économique, de présence importante d’une communauté non africaine, ce sont ces membres qui sont accusés de pratiques des sacrifices, ainsi blancs (réponse du berger à la bergère), Indiens et récemment Chinois ont été accusés par des tabloïds de s’y adonner aussi. La rumeur enfle et à certaines périodes, des minorités sont stigmatisées sans preuve. Mais les Africains, en général, reconnaissent et même surévaluent le nombre des cas du fait de leurs propres concitoyens.

Loin des arrière-pensées racistes véhiculées en Occident sur les pratiques sacrificielles et le cannibalisme, il est indéniable que beaucoup d’Africains sont persuadés que ces rituels sont fréquents et existent encore dans leur pays. Le thème est répétitif dans les conversations et nombreux sont ceux qui y croient dur comme fer. La presse locale a trouvé là un filon inépuisable et les affaires supposées ou réelles font régulièrement les gros titres. Le Courrier International a aussi repris cette information, ainsi que de nombreuses publications dont on ne peut douter du sérieux.

Le cas ougandais.

Depuis deux ans environ, la presse ougandaise foisonne d’articles qui quelquefois s’appuyant sur des photos de corps mutilés, tentent d’accréditer le recours aux sacrifices humains comme de plus en plus fréquent. Le dernier article du New Vision, le quotidien le plus lu en Ouganda date du 30 janvier 2010. Mais la presse ougandaise suit ces cas depuis quelques années de façon répétitive. Le correspondant régional de l’AFP, Gabriel Kahn, s’est même fendu d’un article, ce qui tend à prouver que le sujet doit être pris au sérieux.

L’article de première page de Margaret Ziribagwa de New Vision servira de référence, mais il y a eu au minimum une dizaine d’article sur le sujet ces deux dernières années. Dans Human sacrifice on the increase (augmentation des sacrifices humains) la journaliste déclare que selon la police, le nombre de victimes serait passé de 3 en 2007 à 25 en 2008 et à 29 en 2009. A cela s’ajoutent 123 personnes disparues en 2009 dont 90 enfants. La plupart sont supposées avoir été victime d’un sacrifice. A ce jour 125 personnes ont été arrêtées, dont 54 envoyées devant le juge. Elles sont accusées de crimes, rapt, violence et tentatives de vente d’enfants. Aucune condamnation définitive n’a encore été prononcée à ce jour par la justice ougandaise.

Le district de Kampala est, ce qui est normal car le plus riche et le plus peuplé, le plus concerné avec 956 disparitions, ensuite Wikiso recense 98 disparus, Mityana 19 et Kayunga 16. D’autres districts ont enregistré des meurtres rituels ou qualifiés comme tels en fonction de l’état dans lequel ont été retrouvés les corps. L’article souligne que de nombreuses ethnies ont pratiqué le sacrifice d’animaux pour s’attirer la chance, mais que l’utilisation d’être humain est assez récente. La police rapporte que la plupart des corps retrouvés avaient été mutilés et que des parties du corps avaient été retirées dont la tête, le foie et les organes génitaux et que la majorité des dépouilles retrouvées étaient des enfants.

En page 2 et 3 figure la liste des sacrifices humains ou supposés tels depuis 2007 avec en illustration un inspecteur de police ganté examinant à même le sol le corps d’une femme adulte décapitée.

Le premier cas sur la liste concerne un enfant de deux ans dont on a retrouvé le corps mutilé en aout 2007 dont il manquait la langue, les organes géniaux, le foie et les reins. La majorité des cas présentés (35) sont des enfants en bas âge ou des adolescents, le plus souvent de sexe masculin. Les corps sont retrouvés dans les champs, sur des dépôts d’ordure ou même dans des latrines. S’il est indéniable que toutes ces personnes ont été victimes de meurtres, rien ne prouve qu’elles aient été utilisées à des fins sacrificielles. D’autres explications peuvent être apportées comme le viol, le crime passionnel, la vengeance ou le règlement de compte. Mais les enfants retrouvés avec des organes manquants ont été probablement sacrifiées et leurs organes utilisés à des fins de sorcellerie.

Quand ils sont identifiés, ou du moins suspectés, les sacrificateurs, les kidnappeurs sont à la solde de commanditaires aisés qui voient dans ce moyen la possibilité de s’attirer les bonnes grâces de esprits et de ce fait augmenter leurs possibilités de gain et leurs succès en affaires. Les suspects sont le plus souvent considérés comme venant de la tribu voisine, tous ou presque déclarant, ca ne c’est jamais pratiqué chez nous, mais le « chez nous c’est différent » est une explication peu convaincante, car de nombreuses ethnies sont concernées.

La question qui vient immédiatement à l’esprit est la suivante : les sacrifices humains existent-ils encore en Afrique ? La réponse est oui, avec de très fortes présomptions.

Le phénomène est-il surévalué ? Probablement, car de nombreuses disparitions d’enfants et d’adultes peuvent s’expliquer par la pédophilie, les crimes crapuleux ou passionnels ou des dissensions entre ethnies

Pourquoi ce genre de rituel existe-il presque exclusivement en Afrique ? L’appât du gain a probablement remplacé des pratiques religieuses ou rituelles qui avaient tendance à disparaitre depuis la colonisation. De plus, jadis, seul un petit nombre d’initiés s’y adonnaient en respectant des rituels et des cérémonies. De nos jours, il semble qu’il y ait eu une dérive affairiste de la part de commerçants, politiciens et businessmen sortis du néant, de nouveaux riches avides et peu éduqués qui ont repris à leur compte des traditions qui étaient marginales, codifiées et rares dans les sociétés traditionnelles. Les nouveaux commanditaires semblent mélanger tradition, cupidité et modernité, probablement par perte de repères culturels et avidité. Mais ce qui caractérise ces gens est avant tout une extrême crédulité. Il faut aussi reconnaitre que le plus souvent, ils sont victimes d’escrocs qui utilisent des morceaux de singe ou d’autres animaux pour les substituer à de prétendus restes humains. Un cou de canard fumé et désossé ressemble à s’y méprendre à un pénis humain et se monnayer très cher. Il est aussi notoire dans la région des Grands Lacs que ceux que l’on appelle les vendeurs de choux à cause du gros sac supposé transporter des têtes coupées, sévissent encore dans la région.

La presse populaire, Internet, ont aussi servi de caisse de résonance à des fait divers assez peu courants et ont eu un effet multiplicateur sur ce qui ce racontait jadis au village. Il n’empêche que le Burundi et la Tanzanie voisine, ont organisé un programme de regroupement et de protection des albinos pour les mettre à l’abri de chasseurs de têtes et d’organes après une série impressionnante de meurtres, kidnappings et disparitions de ces personnes.

Et puis, il faut aussi se souvenir qu’Idi Amin Dada a été en son temps suspecté de pratiques cannibales, ce qui n’avantage pas le pays dans sa recherche d’une information lucide et dépassionnée.

Si le sacrifice humain n’a plus sa place dans des sociétés modernes mondialisées, dominées par un esprit soit cartésien soit monothéiste, il avait toute la sienne dans des sociétés antiques ou hors de notre champ conceptuel de la dignité et du respect de la personne humaine. Ce qui est tragique est moins le concept de sacrifice humain que son utilisation à des fins purement mercantiles et matérialistes dans le but unique d’obtenir un profit matériel, quelques fois en devises fortes. La spiritualité d’autrefois qui existait dans le sacrifice a été remplacée par des considérations uniquement matérialiste et la recherche du profit facile et immédiat. De plus c’est le hiatus entre modernité, profit, commerce et recours à une sorcellerie d’un autre âge qui crée un trouble dans ces affaires de meurtres rituels. Ce qui peu choquer l’Européen, c’est le côté directement violent et à nos yeux injuste et intolérable de ce concept, mais nous avons chez nous des méthodes d’anéantissement, de dépersonnalisation, de mise au rebut de l’individu non rentable au nom de la productivité qui peuvent être mise au même rang. Nous n’avons plus besoin de sacrifice humain en France, nous l’avons symbolisé et les résultats sont sinon pire du moins non compatible avec un véritable humanisme.

Cela dit, même si des cas de sacrifices humains et des mutilations de cadavres ont bel et bien eu lieu, le phénomène reste très marginal et la majorité des Ougandais réprouvent ce genre de pratique et ne sont pas du tout tentés de s’y adonner.
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