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 Le prétexte à censures pudibondes et régressives

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MessageSujet: Le prétexte à censures pudibondes et régressives   Le prétexte à censures pudibondes et régressives Icon_minitimeSam 25 Sep - 6:08

La nudité adolescente dans l'art: les corps du délit
Interdire l’exposition Larry Clark aux moins de 18 ans rappelle la difficulté actuelle de représenter le corps adolescent.

La mairie de Paris a décidé d’interdire la nouvelle exposition de Larry Clark aux moins de 18 ans. Selon l’adjoint à la Culture, Christophe Girard, «à partir du moment où vous avez des images qui peuvent être contestées pour leur contenu, il faut trouver une solution qui ne touche pas à l'intégrité de l'œuvre de l'artiste». Comprendre, pour éviter de ne pas montrer certaines œuvres, la mairie a jugé préférable que le jeune public ne puisse pas y accéder. Colère du groupe des Verts à la mairie de Paris, qui a indiqué, via leur co-président Sylvain Garel, «que la Ville s'autocensure à l'avance en disant “peut-être que des gens vont protester”. Si on commence à faire cela, on ne fait plus rien. Je suis scandalisé, c'est vraiment intérioriser la répression et la censure».

Une représentation crue

Larry Clark. Né en 1943 à Tulsa. Américain. Considéré comme un des photographes majeurs de sa génération, il est également réalisateur. Les plus grandes collections du monde ont acquis ses clichés. Une oeuvre photographique qui tourne, essentiellement, autour de la représentation de la jeunesse. Mais pas la gentille jeunesse à la Doisneau, les amants qui s’embrassent sur les ponts de la Seine. Non, des jeunes adolescents qui boivent, se droguent, baisent. Ici ce couple qui s’embrasse, tous les deux nus sur le canapé tandis qu’elle le masturbe; là un garçon qui se pique dans son bain; ailleurs un ado qui bande, menaçant d’une arme une femme allongée et attachée sur un lit, également dénudée. Univers ulra-sexualisé, sans tabou, que l’on retrouve aussi dans ses films, notamment Ken Park.

Plus que la crudité des photographies, ce qui gêne certaines personnes aujourd’hui, c’est l’âge des personnes photographiées. La plupart ont très sûrement moins de 18 ans. Les différents scandales de pédophilie de ces vingt dernières années (des prêtres pédophiles à Dutroux), ont rendu extrêmement compliqué le questionnement par les adultes de la sexualité des adolescents. Paradoxe: une exposition de photos sur des adolescents ne pourra pas être visible par eux. Alors qu’ils devraient être les premiers visés et surtout les premiers intéressés. Puisque l’art n’est jamais aussi efficace que quand il pousse à s’interroger sur sa propre condition humaine.

Ce tabou de représenter la sexualité des adolescents n’est pas nouveau. Il (re)commence en France au début des années 2000. Un cas fait figure de jurisprudence, la polémique autour de l’exposition Présumés innocents. Organisée en octobre 2000 à Bordeaux, elle questionnait la représentation de l’enfance dans l’art contemporain. Du côté de la presse, l’exposition n’avait choqué personne, elle avait même été saluée. Mais des parents d’élèves, après des visites de classe, décidèrent de porter plainte à travers une association de protection de l’enfance, La Mouette. Motif: «diffusion d’images pornographiques» et «corruption de mineurs». Pour cela, les plaignants s’appuyaient sur l’article 227-24 du code pénal:

«Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur.»

Cependant, comme le rappelle l’écrivain Thierry Savatier sur son blog, «Jacques Toubon, en 1994, alors qu’il était ministre de la Culture, avait précisé que [cette disposition] ne visait aucunement à censurer les œuvres d’art». Mais il souligne également que, «cette “exception culturelle” n’ayant malheureusement jamais été formalisée, les groupes de pression minoritaires s’en donnent toujours à cœur joie dans leur volonté de censurer et leur hystérie à voir de la pornographie partout». Pour l’exposition à Bordeaux, malgré dix ans de procédure, et un premier non-lieu, l’affaire est toujours en cours.

Stéphanie Moisdon, critique d'art et commissaire d'exposition, avait participé à l’organisation de l’exposition Présumés innocents. Elle s’était donc retrouvée devant les tribunaux. Selon elle, le fait que la justice ne les ait toujours pas définitivement relaxés a grandement influencé la décision parisienne. Mais elle regrette en sus «l’auto-censure généralisée» que cela entraîne.

La censure, en soi, ce n’est pas nouveau. Il y en a toujours eu, sauf que les objets de censure se déplacent dans le temps. La représentation de la sexualité des jeunes, ou une sexualisation du corps adolescent, a été possible dans les années 1970 et 1980. Cela ne choquait pas ou entraînait d’importantes polémiques qui n'empêchaient toutefois pas une diffusion. Ainsi l’actrice Brooke Shields, célèbre dès son plus jeune âge pour son rôle dans La Petite, où elle incarnait une prostituée de 12 ans, ou pour avoir fait la couverture de Cosmopolitan à 15 ans. A 10 ans, elle posa nue pour le photographe Garry Gross. Cette photo devint très vite célèbre, puis Brooke Shields fit un procès pour récupérer les négatifs et fut déboutée.

Cette photo aurait été prise aujourd’hui, il serait déjà difficile de concevoir sa diffusion. Et on peut supposer que la plaignante récupérerait aisément les négatifs. La Tate Modern, à Londres, a ainsi décidé en 2009 de ne pas la présenter dans son exposition Pop Life, pour éviter de «traumatiser» le public.

Autre exemple, parmi d’autres, David Hamilton. Photographe star dans les années 1970, il s’était spécialisé dans les photos de jeunes filles, souvent blondes et éthérées, à la campagne, dans le sud de la France. Tombé dans une relative désuétude, il est accusé aujourd’hui parfois en Angleterre et aux Etats-Unis de pornographie enfantine.

Ne pas voir pour ne pas faire

Depuis des années, il y a des querelles récurrentes entre le monde de l’art et les associations de défense en tous genres. D’un côté, on considère la liberté de déranger de l’artiste comme inaliénable. Il doit être la mauvaise conscience de son temps. Dans cette idée-là, le tabou de la représentation de la sexualité adolescente étant l’un des plus forts, certains artistes ont donc presque pour mission d’en parler. Passer à côté serait d’une certaine manière passer à côté de la représentation du temps.

De l’autre, les associations qui estiment que le droit à ne pas être choqué doit être au-dessus de tout, et, dans le cas des enfants, que ceux-ci ne s’interrogent jamais sur les questions de sexualité hors le strict contrôle des parents. Soit parce que de telles images, ou discours, pourraient choquer et entraîner des futurs troubles de la sexualité chez nos chers bambins. Soit parce que l’art sexualise les jeunes, légitime l’idée qu’ils puissent être attirants, et donc les pousse à passer à l’acte.

On l’a vu il y a quelques mois avec l’affaire du Baiser de la Lune, un film d’animation pour les CM1 et CM2 traitant de l’homosexualité. Colère de certaines associations bretonnes qui estimaient que parler d’homosexualité revenait à inciter les enfants à «devenir homosexuels». Dans cette logique, un enfant ne se pose aucune question sur la sexualité et n’a lui-même aucune sexualité.

Ces associations ne prennent pas en compte l’accompagnement. Peut-être pourrait-on arriver à l'avenir à une solution à mi-chemin, autoriser les expos aux mineurs, mais accompagnés d'un adulte. Un peu comme on permet aux enfants à boire de l'alcool au restaurant s'ils sont en famille. Et ce serait aux parents de choisir si leur enfant peut ou non voir l'exposition.

Cependant, clairement, la montée en puissance ces dernières années des groupes de lobbying de défense de l’enfance semble indiquer que le rapport de force est en train de basculer de leur côté. Une des caractéristiques de la société actuelle, globalement anti-élite — et l’art contemporain en est une des plus fortes représentations — joue aussi en leur faveur. En 2007, l’exposition L’Enfer de la BNF, Eros au secret, avait été interdite aux moins de 16 ans. La même année, l’exposition Seduced: Art and Sex from Antiquity to Now à la Barbican Art Gallery de Londres, avait elle été réservée aux adultes. Et les cas risquent de se multiplier dans les prochaines années.

On ne peut que regretter cet acharnement. Le risque est celui d’empêcher toutes représentations artistiques de la sexualité, notamment celle des jeunes. Le dernier rapport visuel au sexe, et qui est déjà majoritaire, deviendrait donc celui de la pornographie, si accessible grâce aux sites en streaming.
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MessageSujet: Larry Clark : "Une attaque des adultes contre les ados"   Le prétexte à censures pudibondes et régressives Icon_minitimeDim 3 Oct - 5:09

Larry Clark : "Une attaque des adultes contre les ados"
| 02.10.10 | 14h02 • Mis à jour le 02.10.10 | 14h49


Larry Clark
Devant l'interdiction de son exposition aux mineurs, le photographe et cinéaste réplique qu'il montre "leur vie".
Depuis son premier livre, Tulsa (1971), Larry Clark, 68 ans, a marqué les esprits par plusieurs livres et une dizaine de films sur l'adolescence où la drogue, le sexe et la violence sont omniprésents. Après l'interdiction aux mineurs de sa rétrospective au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, l'artiste justifie sa démarche.


Comment avez-vous réagi à l'interdiction de votre exposition aux mineurs ?
Je suis choqué et surpris. Les photographies qui posent problème ont été isolées de leur contexte. Et elles ont été montrées plusieurs fois en France sans problème : à la Bibliothèque nationale, à la Maison européenne de la photographie (MEP), à la galerie Agathe Gaillard au début des années 1980.

Comment l'expliquez-vous ?
Cette censure est une attaque des adultes contre les adolescents. C'est une façon de leur dire : retournez dans votre chambre ; allez plutôt regarder toute cette merde sur Internet. Mais nous ne voulons pas que vous alliez dans un musée voir de l'art qui parle de vous, de ce qui vous arrive. Les enfants aiment mon travail, il leur parle. Je trouve qu'on devrait faire le contraire, interdire l'expo aux plus de 18 ans ! Je fais ces images pour moi et pour les adolescents. Oui, il y a du sexe et de la nudité, mais ça fait partie de la vie. Dans Tulsa, il y a un jeune garçon qui se regarde en pleine érection. Mais tous les garçons ont fait ça ! Dans le contexte de mon travail, ce n'est pas de la pornographie, ce n'est pas une mise en scène faite pour titiller, c'est la vie.

Avez-vous été confronté à la censure dans d'autres pays ?
Mes films ont été censurés : à Moscou, Ken Park (2002) a été retiré après quelques jours, en Australie, il a été interdit. Je n'ai pas fait de films depuis quelques années car c'est difficile de trouver des fonds, même si mes films ont du succès. Pour mes photos, il y a eu des remous, comme lorsque la série Tulsa a été montrée aux Etats-Unis la première fois. Mais elles ont toujours pu être présentées avec un avertissement à l'entrée.

Pourquoi êtes-vous tellement attiré par l'adolescence ?
J'ai eu une adolescence de merde. J'ai commencé la drogue à 15 ans. Je n'ai atteint la puberté qu'à 16 ans, je pensais que j'étais anormal. J'étais maigre, mon père ne m'aimait pas, il ne me parlait pas, je l'embarrassais. Je me souviens d'une fois où il m'a regardé et a dit tout haut : "Je ne sais pas ce que j'ai fait de mal pour avoir cet enfant." Et il est sorti de la pièce.

Vous voulez rattraper votre adolescence ?
Non, je ne peux pas. Mais c'est une période cruciale. A mon époque, on ne parlait de rien, les drogues n'étaient pas censées exister, il n'y avait pas de sexe, pas d'inceste, pas de pédophilie. Une fille au collège avait cinq frères, et ils la baisaient tous. J'ai voulu montrer les choses que personne ne montrait. Teenage Lust (1983), c'est ce qui se passait, les ados faisaient l'amour, étaient violents, prenaient de la drogue, ils s'amusaient, ils ne s'amusaient pas, ils tombaient amoureux. Dans mes films je montre des groupes d'adolescents qu'on ne connaît pas. J'ai suivi Jonathan Velasquez, le skater de mon film Wassup Rockers (2005), pendant toute son adolescence. Ces skaters de Los Angeles, les gens en ont peur. Ils sont pauvres, mais ils profitent de la vie.

Quelle est votre relation avec vos modèles ?
Je les fréquente, j'apprends à les connaître. Je leur montre mes films. Je deviens l'un d'entre eux, même si je suis plus vieux qu'eux. Ils m'apprécient. Si je n'étais pas cool, comment pourrais-je ne serait-ce que m'approcher d'eux ?

Mais quand vous leur demandez des poses sexuelles, mesurent-ils la portée de leurs gestes ?
C'est impossible de répondre à cette question ! Mais je ne les trompe pas, je leur explique, je leur montre mon travail.

Quel âge a le garçon de la série "1992", qui pose en caleçon en mimant une strangulation ?
Je ne me souviens pas. Peut-être 18 ans.

Pouvez-vous comprendre que de telles images puissent déranger ?
Bien sûr, elles sont dérangeantes. Mais l'art est dérangeant.

On vous accuse même de pédophilie. Vos photos parlent-elles de votre désir ?
Non, ça ne parle pas de ça. Peut-être que ça montre que j'aurais aimé être à leur place. Ce garçon, Jonathan Velasquez, que j'ai suivi de 14 à 21 ans, j'aurais adoré être lui. Je suis envieux.

Devant mon travail, les réactions sont très différentes. Certains pensent que c'est le boulot d'un vieux dégoûtant. Des enfants viennent et ça leur parle. Mais tout le monde réagit. Et les jeunes qui voudront voir l'expo... dites-leur que c'est l'hiver. Ils mettent une casquette, une écharpe, une fausse moustache, et ils rentreront !

Propos recueillis par Claire Guillot
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