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 Comment les occidentaux essayaient de contenir la sexualité de leurs enfants

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MessageSujet: Comment les occidentaux essayaient de contenir la sexualité de leurs enfants   Comment les occidentaux essayaient de contenir la sexualité de leurs enfants Icon_minitimeVen 7 Jan - 15:54

Faut-il brûler les nymphomanes?

La peur des «mantes religieuses», des «ogresses» et autres «Messaline en rut» remonte à la plus lointaine antiquité. Dès le IIè siècle après JC, Galien, médecin grec, parle de «fureur utérine» pour désigner ces jeunes veuves aux utérus en manque, rendues folles -soi-disant- par la frustration.



Les premiers textes médicaux grecs établissent que les femmes –aux humeurs froides et humides– ont besoin de rapports sexuels pour se réchauffer et s’assécher. D’où leur désir insatiable de sperme. Ces théories médicales viennent se rajouter à un héritage religieux qui rend Eve coupable du premier péché de chair. Au XIXème siècle, cette vision de la femme faible par nature se renforce: certains médecins imposent l’idée que son système nerveux est fragile, son cerveau plus petit que celui de l’homme et que ses «troubles» menstruels rendent nuisibles à sa santé l’exercice du droit de vote, le travail en dehors du foyer, l’écriture de livres ou les études. Au cours de l’ère victorienne, les femmes sont donc considérées comme des êtres délicats, dominées par leurs ovaires, et qu’un rien peut déséquilibrer. La première étude détaillée sur le sujet –La Nymphomanie ou Traité de fureur utérine, écrite par un obscur médecin français M.D.T. Bienville, vers 1775– dénonce très sérieusement l’influence néfaste du chocolat, des pensées «impures», des romans et des «pollutions secrètes» (masturbations) sur les fibres nerveuses des femmes. Il affirme même qu’«ébranlées» par tous ces excès, elles peuvent devenir nymphomanes au point d’en mourir. Pour leur sauver la vie, certains médecins n’hésitent pas à priver leurs patientes d’aliments, de lectures et de sexe. Quelques gynécologues croient même avoir trouvé la solution en les amputant chirugicalement.

Parallèlement à ces traitements de choc (qui incluent paradoxalement la création d’engins vibrants permettant de masturber les femmes pour les «purger»), une foule de théories médicales tentent successivement d’expliquer les causes de la nymphomanie: inflammation cérébrale, lésion vertébrale, clitoris hypertrophié, hérédité congénitale… Les médecins légistes dissèquent à tour de bras de malheureuses prostituées (empruntées à la morgue), pour comprendre l’origine de leurs désirs soi-disants anormaux… Les aliénistes (ancêtres des psychiatres) attribuent alors la nymphomanie à une maladie génitale. En 1888, dans son livre La Folie Erotique, le médecin français Benjamin Ball explique: «Les agriculteurs et les vétérinaires connaissent sous le nom de vaches taurelières certaines génisses qui sont véritablement atteintes de nymphomanie. Elles recherchent ardemment le mâle, et lorsqu’elles entrent dans une étable où se trouve un taureau, elles causent un véritable tumulte par leurs mugissements furieux et leurs mouvements désordonnés. Il est un moyen aussi simple que radical de les apaiser et les guérir; c’est de leur enlever les ovaires». Partant du principe que les vaches, c’est comme les femmes, Benjamin Ball prône donc l’ovariectomie.

D’autres médecins vont plus loin: pour arracher le mal à la racine, ils pratiquent l’ablation du clitoris à coup de scalpel ou de fer rouge, comme le célèbre Demetrius Zambaco qui brûle le clitoris de deux petites filles et s’en vante avec délectation dans un texte intitulé Onanisme avec troubles nerveux chez deux petites filles, publié en 1882 dans la très sérieuse revue médicale L'Encéphale. Des parents lui ont confié leur deux petites, Y… âgée de 16 ans et X… âgée de 10 ans, car ces gamines, rendues folles par la morale qu'on leur inflige (à coups de bains glacés, «ceintures de moralisation», suppositoires au calomel, bromure de potassium et sévices corporels assortis de menaces d'enfer) se masturbent de façon hystérique. Le médecin les fait ligoter dans leur lit et leur inflige la camisole. Elles parviennent à se masturber en actionnant les muscles de leur périnée, produisant un clapotement qu'il vient écouter, la nuit, l'oreille contre la porte de leur chambre… A bout de ressource, Zambaco annonce finalement à Y… qu'elle sera "brûlée", la sadise, l'humilie et l'examine avec une complaisance suspecte. Qu'on en juge: «Le 8 septembre, cette pauvre enfant est toute tremblante, elle parle avec volubilité extrême et raisonne pourtant comme une enfant de 16 ans. Elle me supplie de ne pas la brûler, elle est même très reconnaissante de ce que je la débarrasse de la camisole de force. Je remarque sur les petites lèvres des plaies perpendiculaires à leur direction. ce sont les traces des violences exercées hier avec une fourchette de table ! L'orifice du vagin est d'un rouge écarlate: c'est réellement pénible que de voir une enfant si jeune et si perverse! Elle me fait des aveux complets sur tout ce qu'elle a fait pendant mon absence. J'ai honte, Monsieur, de vous raconter toutes mes horreurs, dit-elle.

Après quelques hésitations, elle m'avoue qu'elle se frotte avec les mains, avec les pieds avec tout corps étranger qui lui tombe sous la main. Sur mes instances, elle me montre de quelle manière elle s'y prend dans le lit pour arriver à ses fins et comment elle produit de clapement de la vulve qu'elle répète une grande partie de la nuit en même temps que sa soeur. Nous avons déjà décrit avec détails le mécanisme de ce bruit qui s'entend à une distance de plusieurs mètres, et qui est le résultat du rapprochement et de l'éloignement des grandes lèvres sous l'influence des contractions rythmiques et énergiques partant de l'anus, mettant tout le périnée en branle et se propageant jusquaux grandes lèvres tuméfiées! Mais qui a donc pu vous montrer ces infamies, lui demandai-je. Je suis arrivée à cela toute seule, Monsieur, me répond-t-elle. (…)

Le 11 septembre, pour l'effrayer autant que possible, je fais étalage des réchauds aux charbons ardents; j'y place un énorme fer en hache; je fais souffler jusqu'à ce qu'il rougisse, elle est tremblante à la vue de toutes ces scènes infernales. Vous n'avez pas tenu votre promesse lui dis-je. (…) Le 14 septembre, cette opération a eu un effet salutaire immédiat: la petite Y… est restée sage depuis la cautérisation. (…) Le 16 nouvelle cautérisation, j'applique trois points de feu sur chaque grande lèvre, et un autre sur le clitoris, pour la punir de sa désobéissance je lui cautérise les fesses et les lombes avec un grand fer. Elle jure qu'elle ne faillira plus, elle s'avoue très coupable. (…) X… voyant la punition infligée à sa soeur, est devenue toute triste; elle répète souvent: si je pouvais mourir ! (…) Le 19 troisième cautérisation de la petite Y… qui sanglote et vocifère. (…) Le 23, elle répète: je mérite d'être brûlée et je le serai."

Le dramaturge Jean-Michel Rabeux —qui adapte ce texte au théâtre de façon quasi insoutenable— souligne qu'à l'époque il semble tout à fait normal d'infliger de telles tortures. 30 ans après avoir détruit la vie de ces deux enfants, le bon docteur Zambaco est devenu «correspondant de l’académie des sciences, membre associé de l’académie de médecine et commandeur de la légion d’honneur». Au cours des trente dernières années du XIXè siècle, les chirurgiens ôtent ainsi des milliers d’ovaires sains et mutilent des dizaines de femmes, sans compter les petites filles. Cette pratique barbare passe quelque temps pour une panacée, sans toutefois faire l’unanimité. Un éminent médecin britannique, Spencer Wells, va même jusqu’à lancer, ironique: «Imaginez le scandale si une société de doctoresses décrétait que la plupart des maladies propres aux hommes devaient être attribuées à quelque altération morbide de leurs parties génitales… et si l’une d’elles émasculait chaque homme venu la consulter à l’aide de fers chauffés à blanc…». Wells n’est pas le seul à reconnaître la misogynie profonde qui préside à l’ablation d’ovaires et de clitoris: de nombreux gynécologues emploient les termes de «castration» et de «stérilisation» pour qualifier cette opération. Certains rappellent même que pour soigner l’équivalent masculin de la nymphomanie —le satyriasis— on ne «coupe» pas les hommes mais qu’au contraire on leur conseille d’aller se soigner… au bordel.

Hélas pour les femmes, la majorité des médecins estiment que les nymphomanes sont d’immorales créatures, prêtes à tout pour parvenir à leurs fins, y compris raconter des mensonges: vers 1880, le gynécologue britannique C.H.F. Routh raconte le cas d’une jeune fille de 17 ans qui affirme avoir été victime d’inceste, et d’une autre qui prétend avoir été violée par son frère. Pour Routh, pas de doute, ces petites débauchées sont des nymphomanes: «Si ces femmes sont capables d’inventer de telles horreurs sur le compte de ceux qu’elles devraient le plus chérir et respecter», conclut-il, il faut vraiment s’en méfier! Au cours des décennies suivantes, l’hypothèse selon laquelle les victimes d’agression sexuelles sont en réalité des nymphomanes menteuses et corrompues sera acceptée à de nombreuses reprises par la justice. Les femmes violées se retrouvent alors au banc des accusés. Et leurs agresseurs exigent des excuses. Au début du XXème siècle, malgré la progressive libération des moeurs, on incarcère des femmes sous prétexte qu’elles trompent leur mari. Appelées «hystériques sexuelles», les voilà internées dans des asiles. Leur mari ne les satisfait pas ? Les voilà accusées de frigidité. Elles vont chercher du plaisir ailleurs? A l’asile. Jusque dans les années 60, les médecins —essentiellement des hommes— se rassurent en pensant que les femmes à forte libido sont en réalité incapables de jouir et qu’il faut les soigner de force.

La culture populaire reprend cette idée avec jubilation. En 1954, Esquire publie un article intitulé «Pas drôle d’être nympho». On y rappelle l’histoire de Messaline, épouse de l’empereur romain Claude, beauté blonde insatiable qui obligeait la garde prétorienne à se soumettre à ses exigences hors-normes. Pour le journaliste, pas de doute: Messaline n’organisait pas de gang-bang par plaisir, mais par frustration. En 1956, le magazine érotique MR publie également un article contre les femmes trop sensuelles. Si elles en veulent, affirme l’auteur, c’est qu’elles sont nymphos. Dans «J’ai épousé une nymphomane», il dit de son épouse: «Dès notre premier rendez-vous, Diane s’est collée à moi. Ça prouve bien que quelque chose ne tournait pas rond chez elle». Il en conclut, que comme toutes les nymphomanes, elle haïssait inconsciemment les hommes. Son insatiabilité masquait donc un désir d’épuiser ses partenaires et de les castrer symboliquement. Merci Freud.

Quand un homme accumule les conquêtes, on parle d’un Don Juan. Quand il s’agit d’une femme, c’est une «nympho», voire pire: une «impuissante frigide» ou une «vamp castratrice»… Parce qu’elle mettent les hommes au défi d’être à la hauteur, les femmes suractives sexuellement sont encore de nos jours considérées comme «anormales». Mais les notions de norme ou de perversion, qui sont des catégories moralisatrices, ont disparu depuis longtemps du vocabulaire de la sexologie. Pour Alfred Kinsey, dès les années 50, des qualificatifs tels que «excessivement actif, sursexuel, hypersexuel ou sexuellement trop actif» ne sont que des étiquettes religieuses. Quant aux notions de nymphomanie ou de satyriasis, elles n’ont rien de scientifique. Parler de «trop» d’orgasme ? Une aberration. Juger une libido «sur-développée» ? Absurde. En 1966, deux autres sexologues américains enfoncent le clou. William Masters et Virginia Johnson affirment que les femmes sont «naturellement» des ogresses de sexe : «Elles sont nombreuses —surtout quand c’est le clitoris qui est stimulé— à pouvoir éprouver régulièrement cinq ou six orgasmes en l’espace de quelques minutes». Après dix années à mesurer et enregistrer les orgasmes, Master et Johnson établissent donc la vérité: plus une femme jouit, plus ses orgasmes deviennent intenses et à répétition. Cette vision d’un désir sexuel «nymphomaniaque» illimité, et jugé parfaitement normal, marque un changement radical dans les mentalités. Malheureusement, la morale a la peau dure et une nouvelle définition de la nymphomanie apparaît dans les années 70: on parle alors, abusivement, de «compulsion»(1).

C’est Alfred Auerback, professeur en psychiatrie à l’Université de Californie, qui ouvre le feu. Il affirme que «la nymphomane est une femme aux mœurs très libres qui, par compulsion, a de nombreux rapports avec une foule de partenaires différents… sans éprouver aucun sentiment à leur égard». «Loin de chercher la jouissance sexuelle en soi, ajoute-t-il, elles tentent avant tout de résoudre des problèmes liés à leur identité personnelle». A la même époque, James Bond fait un carton: il passe d’une fille à une autre, ce qui lui vaut gloire et célébrité, alors que ses partenaires —des femmes peu farouches— trouvent souvent une mort prématurée. Alors que les hommes peuvent pratiquer l’amour libre en toute impunité, les femmes sont tenues d’éprouver des sentiments. Sinon, les voilà punies. On les accuse de trouver dans le sexe une «échappatoire compulsive à l’angoisse». On les assimile à des toxicomanes du sexe. On les prétend incapables d’amour, donc «souffrantes». Mais au fond, on ne leur reproche qu’une seule chose: de se servir des hommes comme de godes. Crime de lèse-majesté. Dans le manuel de l’association psychiatrique américaine (APA), la nymphomanie est définie comme une «souffrance relative à un schéma de rapports sexuels répétés avec une succession de partenaires qui n’existent qu’en tant qu’objets à utiliser». De toute évidence, certains psychiatres (hommes) ne supportent pas d’être réduits à l’état d’objets sexuels… Dans les années 90, il leur faut pourtant admettre que les femmes aussi ont le droit de «baiser». La notion de nymphomanie disparaît définitivement du manuel.

A l’aube du XXIè siècle, la nymphomanie n’est plus reconnue médicalement, sauf comme un symptôme —extrêmement rare, et qui n’a rien à voir avec l’appétit sexuel— de maladies psychiatriques ou endocriniennes graves. Et pourtant, elle imprègne toujours la culture populaire, avide de détails croustillants sur la vie sexuelle des porn-stars ou sur les orgies échangistes. Les shows TV sont remplies de nymphomanes heureuses et fières de l’être. Les émissions de real-TV mettent en scène l’adultère en série. «Je couche, et alors ?», proclament les filles «libérées». Malgré tout, un malaise se dégage de cette exhibition généralisée. Aux Etats-Unis, notamment, on considère que le sexe —comme l’alcool ou la drogue— peut générer une forme d'addiction. Rongées par la culpabilité, des milliers d’Américain(e)s vont avouer leur trop-plein "anormaux" de désirs chez les Sex-Addict Anonymes pour suivre des thérapies de groupe, proches de l'auto-dénonciation. De même que le criminel, tenu de faire des aveux lors d'une procédure judiciaire, les personnes souffrant soi-disant de "dépendance sexuelle" s'accusent publiquement de sexomanie (le nouveau terme à la mode pour nymphomanie) comme si l'excès de jouissance était en soi condamnable. Le sexologue Jacques Waynberg a une phrase pour ça : «En sexe, n'ayez aucun retenue. Quelle importance si ça épuise vos partenaires ? Ils/elles sont là pour ça».
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