a règle générale, c'est le droit de migrer. L'interdiction doit être l'exception. Les nations les mieux pourvues sont tenues, autant que faire se peut, d'accueillir l'étranger en quête de la sécurité ou des ressources vitales qu'il ne peut trouver dans son pays. Mais qui donc se permet de tenir un discours sur l'immigration si peu dans l'air du temps ? Christian Mellon est un père jésuite de la banlieue parisienne. Et le discours qu'il assène à un parterre d'auditeurs pour la plupart catholiques militants n'est pas le sien mais le résumé de la doctrine officielle de l'Église en matière de migrations.
Sans contradicteurs
La scène se passe dans le grand amphithéâtre du lycée Saint-Jacques-de-Compostelle, à Poitiers, où le Centre théologique de Poitiers rassemblait hier un forum sur les migrations internationales. Christian Mellon en est l'un des invités, parmi quelques spécialistes de la Bible mais aussi des immigrés appelés à faire part de leur vécu.
« On comprend, reconnaît le père jésuite, que la prise en compte de cette doctrine conduise les chrétiens à prendre position contre certaines politiques publiques. » Ce qu'on comprend moins, a contrario, c'est comment des catholiques tout aussi investis dans l'Église, qui ne prennent pas le pape et ses évêques pour des gauchistes, se reconnaissent aussi volontiers, si ce n'est dans les discours d'exclusion de certains mouvements politiques, du moins dans la politique d'immigration choisie qui, dixit le père Mellon, est « non chrétienne ».
On aurait aimé que ces catholiques, dont la voix mérite tout autant que d'autres d'être entendue, vinssent débattre avec leurs frères en religion. Mais aucun n'est venu, le discours ayant couru dans les jours précédant ce rendez-vous qu'il s'agissait là d'une détestable initiative intempestive des « chrétiens de gauche ».
On n'a pas vu non plus l'ombre d'un politique, de droite comme de gauche, ceux-ci ratant rarement une occasion de ne pas venir écouter ce que les grands courants de pensée de la France ont à leur dire. Au final, cette belle expression de la doctrine sociale de l'Église est restée hier confinée à un cercle restreint de catholiques engagés auprès des migrants, ce qui, peut-être bien, arrange tout le monde.