David Suzuki avec la collaboration de Faisal Moola
L’année dernière, les agents douaniers de l’aéroport de Vancouver ont eu toute une surprise lorsqu’ils ont fouillé les bagages d’une femme revenant de Chine. Ils y ont trouvé 70 crabes poilus de Shanghai vivants! Entretemps, des gens en Angleterre étaient peu disposés à faire partir dans les toilettes des poissons rouges dont ils ne voulaient plus. Ils ont plutôt choisi de leur donner une nouvelle maison dans la Tamise.
De retour chez nous, à Vancouver, il y a un endroit charmant dans le parc Stanley qui s’appelle lac Beaver. Il est couvert de lys d’eau et héberge des tortues à tempes rouges et des grenouilles taureau.
Quel est le fil conducteur de ces différentes histoires? L’invasion d’espèces exotiques. En effet, des plantes et des animaux aboutissent dans un environnement où on ne les trouvait pas auparavant – d’habitude avec l’aide des humains –, nuisant généralement aux espèces indigènes et aux écosystèmes avec lesquelles ils interagissent.
Les espèces exotiques ont un avantage
Les espèces les plus envahissantes ont des caractéristiques écologiques qui leur donnent un avantage sur la flore et la faune autochtones lorsqu’ils rivalisent pour les mêmes ressources, telles les nutriments, la lumière, l’espace physique, l’eau et la nourriture. Ces caractéristiques comprennent notamment l’habileté à se reproduire rapidement et à se disperser dans l’environnement, de même que la tolérance à un éventail de conditions liées à l’habitat.
Ainsi, bien que les crabes poilus aient été destinés à la casserole, comme l’a allégué la voyageuse, les agents douaniers n’ont pas pris de risque. Environnement Canada fait remarquer que le crabe est l’une des 100 espèces les plus envahissantes au monde. Ils font concurrence avec les espèces indigènes pour la nourriture, ils creusent des trous dans les berges et les digues, causant de l’érosion, et ils transportent des parasites qui peuvent rendre les gens malades.
Le poisson rouge de la Tamise rivalise également avec les espèces indigènes pour la nourriture et transmet des maladies aux espèces concurrentes. Dans le lac Beaver, les lys d’eau accélèrent la mort du lac, pourrissant et se décomposant durant l’automne et transformant le lac en marécage.
Les Nations Unies ont déclaré le 22 mai Jour international de la biodiversité, et le thème de cette année est justement l’invasion d’espèces exotiques. Selon la convention de l’ONU sur la biodiversité, ces plantes et animaux constituent « l’une des plus grandes menaces à la biodiversité de même qu’au bien-être écologique et économique de la société et de la planète ».
Depuis le temps des colons
L’introduction d’une espèce dans un autre environnement n’est pas nouvelle. Les premiers explorateurs européens et les colons ont emportés avec eux en Amérique du Nord du bétail et des grains qui ne s’y trouvaient pas auparavant, de même que des rats bruns clandestins et de nombreuses maladies.
Mais la mondialisation et les déplacements humains ont accru la propagation des espèces envahissantes dans le monde. Comme les plantes et les animaux introduits par les colons et les explorateurs européens, les plantes et animaux envahissants actuels sont parfois introduits délibérément – souvent à des fins alimentaires ou décoratives – et parfois accidentellement, comme dans le cas de la moule zébrée et des plantes envahissantes dispersés lorsque les navires jettent du lest dans les eaux canadiennes.
Ces espèces exotiques ne font pas que rivaliser pour les ressources, mais elles tuent et se nourrissent de plantes et d’animaux indigènes. Elles peuvent en outre altérer les habitats, les rendre inhabitables pour les plantes et les animaux qui y vivaient auparavant. Et elles peuvent s’accoupler avec des espèces indigènes et affaiblir le patrimoine héréditaire. Elles peuvent également entraîner des impacts économiques graves, comme lorsque des plantations agricoles précieuses ou des espèces sont exterminées, par exemple.
Parce qu’ils pénètrent de toutes sortes de façons, ces envahisseurs ne peuvent être arrêtés seulement par des lois – bien que les législations puissent être utiles lorsqu’on parle de règlementation dictant où et quand l’eau des ballasts des navires peut être rejetée en mer. L’éducation constitue l’un des meilleurs moyens pour ralentir leur propagation. Souvent, les gens sont inconscients des conséquences de l’introduction de nouvelles espèces dans un écosystème.
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