Quand on parle de désert, on pense aux déserts terrestres. Or, les fonds marins risquent eux aussi la désertification.
Selon le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM), on enregistre depuis 2003, dans l'Atlantique Nord-Est, une baisse de 75% des populations de grenadiers, de 67% des lingues bleues et de 65% des sabres noirs.
Jadis, ces noms de poissons ne figuraient pas sur les étiquettes à l'étal des poissonniers. Le grenadier a longtemps été jugé non commercialisable à cause de son aspect peu attirant. Le sabre nage comme un serpent et son corps très long n'est pas davantage attractif au premier coup d'oeil, c'est pourquoi on ne le trouve que sous forme de filets. Sa capture, longtemps accessoire, trouva ainsi le moyen d'être rentabilisée. On peut aussi citer l'empereur, qui vit dans l'Atlantique, de l'Islande à l'Espagne.
Il s'agit toujours de poissons de grands fonds. La diminution des espèces de surface a obligé la pêche industrielle à une reconversion et, depuis le siècle dernier, les investissements ont permis d'accroître les prises en profondeur.
Le chalut est un filet conique qui capture en aveugle l'ensemble des espèces qui se trouvent sur son passage... Sa sélectivité est limitée, voire nulle. C'est comme un pillage systématique qui ne sert même pas à l'alimentation humaine: une fois remontés à bord, les poissons non commercialisables sont rejetés sans aucune chance de survie. Cela constitue un gâchis, car les espèces des profondeurs ne se reproduisent pas rapidement et un taux élevé de capture de jeunes poissons risque fort de mettre un terme à la pérennité de certaines.
DÉGRADATION DU MILIEU
Ce chalut, traîné sur le fond, détériore les habitats les plus intéressants, comme les massifs de corail. La dégradation du milieu est une catastrophe d'autant plus grave que les connaissances manquent: c'est jouer aux apprentis sorciers. La cartographie établie des fonds des océans n'en est qu'à ses prémices et nous ne disposons donc pas d'un éclairage suffisant pour ne pas hypothéquer l'avenir. Il s'agit d'une pêche intensive, en aucun cas durable.
On parle de chaluts sélectifs capables de trier pendant la capture pour ne retenir que les seules cibles visées, c'est-à-dire les individus commercialisables. Pour une espèce donnée, un chalut peut être au moins partiellement sélectif si le maillage de la poche est bien adapté - pour laisser ressortir les poissons d'une taille inférieure au minimum défini pour l'espèce cible, par exemple. Les autres espèces constituent des captures dites accessoires difficiles à éviter.
SOLUTIONS?
Bien sûr, s'il ne s'agit là que de tenir compte de la survie des espèces et l'inter-diction immédiate de la pêche en eau profonde serait une vraie solution. Mais cette solution n'en est pas une si on ne met pas en place des mesures satisfaisantes pour les pêcheurs, dont les chalutiers seraient à réformer. Par exemple, 25 chalutiers français ont un permis de pêche spécial pour les grands fonds.
Un moratoire est une piste possible, toujours à condition que soit trouvée une compensation pour les pêcheries.
Ne faudrait-il pas instaurer des zones internationales sans pêche devenant des sanctuaires d'où essaimeraient les espèces dont la protection cesserait une fois les limites franchies? La surveillance des lieux devrait alors être assurée de façon stricte. Le problème n'est pas près d'être résolu.
Pourtant, il faut stopper l'érosion de la biodiversité des grands fonds océaniques. Il faut la stopper partout.