L'albatros pris au piège de la pêche industrielle

Au Museum de Paris: l'albatros pris au piège de la pêche industrielle

Compagnon des marins au long cours chanté par Baudelaire, l'albatros des mers australes baigne dans

Compagnon des marins au long cours chanté par Baudelaire, l'albatros des mers australes baigne dans un univers extrême, entre 40èmes rugissants et 50èmes hurlants. Mais c'est la pêche industrielle qui le menace aujourd'hui. (

PARIS (AFP) - Compagnon des marins au long cours chanté par Baudelaire, l'albatros des mers australes baigne dans un univers extrême, entre 40èmes rugissants et 50èmes hurlants. Mais c'est la pêche industrielle qui le menace aujourd'hui.

Une exposition gratuite que lui consacre jusqu'au 29 mars le Museum d'Histoire naturelle à Paris, dans le cadre de l'Année Internationale de la Biodiversité, permet aux visiteurs de se familiariser avec cet oiseau marin, capable de parcourir 1.000 km en une journée grâce à son envergure exceptionnelle, en s'informant des périls qui le guettent.

Dix-huit des 22 espèces d'albatros connues sont menacées: "C'est la plus forte diminution de population chez les oiseaux marins", dit Cédric Marteau, chef du Bureau Environnement du Museum et conservateur de la Réserve naturelle des Terres australes françaises (TAAF): "Il en meurt environ 100.000 chaque année".

Pour l'Albatros d'Amsterdam - du nom d'une île volcanique grande comme la Corse, perdue aux confins de l'Antarctique -, le danger d'extinction est désormais "critique", puisque ne subsistent qu'une trentaine de couples. Et on dénombre à peine 10.000 Albatros hurleurs, ou "Grand albatros", dont l'envergure atteint 3,40 m.

En cause, la pêche à la palangre pratiquée depuis les années 70 dans les mers australes: dans son sillage le navire traîne une ligne de 130 km de long, hérissée d'hameçons auxquels se laissent prendre les oiseaux, aussitôt entraînés vers le fond.

Un cliché exposé à l'entrée de la Grande Galerie de l'évolution montre la noyade d'un albatros crocheté par le bec.

"Dans les TAAF, l'apparition de la pêche palangrière au début des années 2000 s'est traduite par un déclin immédiat des populations", affirme Cédric Marteau. Mais la réaction tout aussi rapide a permis de redresser la barre, notamment l'interdiction de la pêche de jour, aux heures auxquelles se nourrit l'albatros.

Mais ces dispositions, largement observées par l'Australie, la Grande-Bretagne, l'Afrique du Sud ou la Nouvelle-Zélande, autres riveraines des terres sub-antarctiques, ne le sont évidemment pas dans les eaux internationales par les navires-usines coréens, chinois ou taïwanais.

Or l'albatros obéit à une biologie singulière parmi les oiseaux: il n'atteint sa maturité sexuelle que vers l'âge de 8 ans, pour ne pondre qu'un oeuf tous les 2 ans. En outre, c'est un fidèle qui privilégie le couple: en cas de deuil, il lui faudra de nouveau près de deux ans pour trouver un nouveau partenaire, uniquement dans sa classe d'âge.

Et si un des deux parents meurt, le poussin est condamné à mourir de faim.

A terre, le poussin que ses parents abandonnent plusieurs jours d'affilée pour chercher du poisson, ne craint que les chats, les rats et les souris quand ils ont été introduits par l'homme. En mer, où le jeune passe les huit premières années de sa vie sans toucher terre (il n'y revient que pour s'y reproduire), le seul prédateur connu est le bateau de pêche.

Depuis septembre, la France a adopté un plan national d'action pour sauvegarder l'albatros sur les poussières d'empire qu'elle contrôle tout en bas de la mappemonde. "Mais les oiseaux ne connaissent pas les frontières", regrette M. Marteau.