Il se passe toujours quelque chose dans la communauté religieuse des Frères et Sœurs de saint Jean (cf. notre enquête dans Golias Magazine n°105). Voici qu’aujourd’hui d’importantes turbulences agitent les voiles blancs des Sœurs contemplatives de saint Jean, la branche monastique féminine de cet institut religieux composée d’environ 300 moniales.
Alors que la « Famille saint Jean » fêtait le 30ème anniversaire de sa fondation, en janvier 2005, Golias avait attiré l’attention des responsables ecclésiastiques (romains et français) et celle de l’opinion publique sur un certain nombre d’ « affaires » qui touchaient alors cette communauté religieuse. Si à l’époque, Mgr Séguy, l’évêque d’Autun dont dépend la communauté des Frères St Jean (1), prit les mesures adaptées à la situation (cf. son décret du 28 juin 2000), il n’en fut pas de même pour les Sœurs contemplatives de saint Jean en proie aux mêmes difficultés.
Philippe Barbarin, l’archevêque de Lyon, auquel sont assujetties les Sœurs Contemplatives de saint Jean, prit lui aussi, plus tardivement certes, la mesure des problèmes rencontrés à l’intérieur de cette communauté religieuse féminine. Grâce notamment à l’insistance et la persévérance de nombreuses familles qui continuèrent à alerter les autorités ecclésiastiques sur le sort réservé à leur fille ; témoignages et description des situations à l’appui. L’archevêque de Lyon se décide alors à confier une « mission d’assistance de gouvernement » à des personnalités religieuses extérieures aux Sœurs contemplatives de saint Jean et parfaitement conscientes des problèmes rencontrés dans cette communauté. Leur mission consistait notamment à enquêter, auditionner nombre de Sœurs contemplatives, petits groupes par petits groupes. Une mission qui déboucha sur un rapport « salé » selon l’expression d’une source proche du dossier. Un rapport que certains au sein de la « Famille saint Jean », auraient bien voulu ne pas voir suivre le chemin du Vatican... Philippe Barbarin passera outre. Il enverra le dossier au cardinal Rodé, responsable à Rome du dicastère de la Vie religieuse consacrée, selon les consignes données désormais par le Vatican à propos des « difficultés » rencontrées par les « communautés nouvelles ».
L’archevêque de Lyon diligente une enquête
Dans le même temps, le Primat des Gaules prend un décret, en juin 2009, qui change le gouvernement central des Sœurs contemplatives. La prieure générale, Sœur Alix(85 ans), en charge de cette responsabilité depuis la fondation de cette communauté par le père Marie Dominique Philippe, et très liée à ce dernier, est démise de ses fonctions. Elle est remplacée par Sœur Johanna (une moniale hollandaise) qui ne faisait pas partie de l’équipe dirigeante en place. Parallèlement, la mission d’ « assistance de gouvernement » est reconduite.
Cependant,malgré les nouvelles mesures prises, Sœur Johanna rencontre les pires difficultés pour constituer une équipe de direction de la communauté. D’autant qu’elle met sur la touche la responsable du noviciat, l’influente et toute puissante Sœur Marthe – en fait la patronne de la Communauté - pour la remplacer par Sœur Christine. A la suite de quoi, Sœur Marthe entre en rébellion et refuse dans un premier temps de rejoindre son nouveau poste. Elle essaie aussi de garder le contrôle sur les éléments de la Communauté qui lui sont favorables.On parle de plus de cent religieuses, soit prés de la moitié de la Communauté ! Au point que l’entourage du cardinal Barbarin en charge du dossier n’exclut pas une scission et craint déjà que la dite Sœur Marthe parte avec d’autres membres se réfugier sous des cieux plus conciliants…
Le bateau de la « Famille saint Jean » tangue : marasme chez les moniales et par effet boomerang, remous chez les Frères de saint Jean déstabilisés par la tournure des évènements en raison des liens proches qui unissent ces derniers aux Sœurs contemplatives. Philippe Barbarin ne lâche pas et tient le cap qu’il s’est fixé : à savoir, réformer de l’intérieur la « Famille saint Jean », même si certains de ses conseils lui signifient qu’il s’agit d’une mission impossible et qu’il vaudrait mieux une dissolution claire. D’autant que l’enquête diligentée par le primat des Gaules semble être « tombée sur des constats lourds » : notamment le très jeune âge des postulantes conjugué avec l’arrêt brutal de leurs études ; les enseignements particuliers de Sœur Marthe à partir de ses entretiens avec le Père M. D. Philippe ; le « suractivisme » des moniales qui les dispense d’espace et de temps personnel(au point que dans ses nouvelles directives Mgr Bonfils diminuera le temps de prière en communauté et augmentera les temps libres de chaque religieuse ) ; ou encore les questions touchant la santé physique et psychologique des religieuses(nombre d’entre elles sont en effet sous anti-dépresseurs).
Supplique de parents déboussolés au Primat des Gaules
Un rapport qui conforte Philippe Barbarin dans le bien fondé de sa démarche de « déformation » des sœurs contemplatives de saint Jean. De fait, malgré toutes les turbulences qui menacent une embarcation en perdition, le Cardinal rame mais ne plie pas !
Une supplique à l’archevêque de Lyon est même publiée, en septembre 2009, sur internet (
www.aidonsnossoeurs.com). Elle émane de « parents profondément inquiets de la situation actuelle des Sœurs contemplatives de St Jean ». En réalité, une lettre ouverte écrite par des parents proches de la toute puissante Sœur Marthe et qui demandent à Philippe Barbarin de revenir sur sa décision. Le motif invoqué par les familles en question est le suivant : « la situation des 80 jeunes sœurs du noviciat nous semble particulièrement préoccupante. Elles ont été troublées par le retrait brutal de leurs sœurs responsables. La nomination d’une nouvelle mère maîtresse des novices (en désaccord avec Sœur Alix) a provoqué leur départ ». Face à cette levée de bouclier parentale et au « siphonage » organisé de la Communauté (les futures novices sont invitées par les sœurs « rebelles » à ne pas « rentrer » au noviciat), Philippe Barbarin tente de « calmer le jeu », mais rien n’y fait. Sa rencontre avec les religieuses « dissidentes », quelques semaines auparavant, à saint Jodard, le centre névralgique de la Communauté, n’avait fait que confirmer « le mur » d’incompréhension séparant ses positions de celles qui n’entendaient finalement pas obtempérer. Il est vrai que le soutien sans faille manifesté par l’archevêque de Lyon à la « famille saint Jean », en particulier lors des funérailles solennelles de leur fondateur, le père Marie-Dominique Philippe, à la primatiale saint Jean à Lyon, en septembre 2006, brouillait quelque peu la lisibilité de sa position ainsi que sa volonté de « remettre de l’ordre dans la maison ».
Nouvelle intervention du Vatican : Mgr Bonfils à la barre !
Le Vatican (en fait les cardinaux Rodé et Bertone, le secrétaire d’État du Saint Siège) saisi de l’évolution de la situation, décide alors de nommer un commissaire pontifical en la personne de Mgr Bonfils, évêque émérite de Nice, et missionne celui-ci pour renforcer le travail d’ »assistance de gouvernement » en cours. Dès son arrivée sur les lieux à Saint Jodard (42), le quartier général de la communauté, Mgr Bonfils confirme les décisions prises : à savoir que les quatre principales dirigeants des Sœurs contemplatives de saint Jean (Sœurs Alix, Marthe, Agnès-Marie et Isabelle) restent « assignées » dans des couvents extérieurs à la famille saint Jean. La très influente sœur Marthe serait même exilée dans un couvent en Terre sainte !
La rébellion ne lâche pas l’affaire !
En somme, des responsables mises au secret avec interdiction, qui plus est, d’entrer en contact avec leurs autres consœurs et novices, et précisément par internet ou téléphone portable… Mais comme on le verra plus loin, il s’agira de vœux pieux ! En effet, les nouvelles décisions du commissaire pontifical ne passent pas ! Les moniales en rébellion les refusent pendant que les novices repartent sur ordre des autorités ecclésiastiques dans leur famille… Or, comme il fallait s’y attendre,ces dernières restent en contact avec leurs aînées en rébellion via internet et téléphones portables. Une situation qui fait craindre le pire à des parents inquiets de l’évolution de la situation en particulier le fait que les anciennes dirigeantes tentent de ramener à leur cause les jeunes novices. Pendant ce temps, le secrétariat de l’archevêché à Lyon reçoit des « courriers inquiétants » en provenance de parents proches des moniales décidées à en découdre. De son côté,Sœur Johanna, la nouvelle prieure, semble dépassée par les événements et ne parvient toujours pas à rassembler la communauté autour d’elle et des nouvelles directives. Pour mieux contrôler la situation, le Vatican demande alors à Mgr Bonfils de faire office de Prieur général de la communauté, Sœur Johanna devenant sa déléguée. Tout semble donc rentrer dans l’ordre. Le Vatican et Philippe Barbarin vont jusqu’à penser qu’avec de telles décisions la situation finira par se décanter puis se stabiliser.
Les soeurs rebelles veulent mettre les voiles... DIRECTION : LE MEXIQUE PUIS L’ESPAGNE !
D’autant que Sœur Marthe avait fini par accepter son « assignation à résidence » ; il en est de même pour les trois autres ex-dirigeantes. Cependant , après un calme tout en apparence , la tempête se lève… S’il n’est pour l’instant pas d’actualité de lever l’assignation des quatre ex-responsables des Sœurs contemplatives – Mgr Bonfils semble être ferme sur ce point – en revanche, la sécession semble prendre corps.
En effet, d’après nos informations, l’ensemble des moniales de Cenves (prieuré de formation des Sœurs contemplatives dans le Rhône) ainsi que bon nombre des sœurs de St Jordard (maison mère, noviciat et prieuré située dans la Loire, mais dans le diocèse de Lyon) auraient fait une demande d’exclaustration afin de quitter leur communauté religieuse pour se rendre dans le diocèse de Saltillo… au nord-est du Mexique où les sœurs en question possèdent un noviciat qui « recrute » pour l’ensemble de l’ Amérique latine.
Le nouveau prieur général, Mgr Bonfils, ne cache pas sa colère face à une telle démarche. D’autant qu’il n’a pas donné son accord. De fait, s’il est vrai qu’une demande d’exlaustration doit être motivée au cas par cas et non pour un groupe, il n’en demeure pas moins que celle-ci est une simple dispense de vie commune et qu’à ce titre elle n’est pas considérée comme un acte de désobéissance ! Et qu’en conséquence de quoi, rien n’interdirait sur le fond les religieuses dissidentes de fonder... une autre communauté.
Alors, info ou intox ? D’après nos informations, l’évêque de Saltillo, Mgr Raul Vera Lopez, un évêque pourtant ouvert voire progressiste, avait accepté dans un premier temps le principe de recevoir les transfuges des Sœurs contemplatives de saint Jean, Leur départ était même prévu à la fin de ce mois de janvier voire début du mois de février 2010.Une religieuse aurait été pressentie pour l’organisation de ce voyage outre-Atlantique. Sauf qu’entre-temps, le Vatican, ayant eu vent de l’affaire, est intervenu auprès de l’évêque de Saltillo pour « remettre les pendules à l’heure » et l’informer du contexte. Une fin de non recevoir qui aurait eu pour effet de déstabiliser une partie des troupes « rebelles » qui ne sait plus à quel saint se vouer aujourd’hui. D’autant que le cardinal Rodé , en charge de la Vie religieuse au Vatican, a envoyé récemment une missive personnelle à chacune des religieuses susceptible de partir pour les mettre en garde contre une telle décision. De plus, les langues commencent à se délier. Ainsi, au printemps dernier, lorsque le cardinal Barbarin est venu rendre visite aux moniales pour les inviter, chacune séparément, à lui écrire comment elles vivaient leur vocation, leur vie en communauté et leur vie de prière. A cette occasion, il semblerait qu’un quinzaine de religieuses ont osé dire ce qu’ « elles avaient sur le cœur » et surtout ce qu’elles ressentaient de négatif par rapport à leur communauté. Une « opération vérité » qui « déclenchera une véritable guerre civile » au sein de la communauté au point que les « parleuses » sont aujourd’hui qualifiées de « traitres »... D’où chez les moniales récalcitrantes les plus influentes le projet de « fuir » pour recommencer ailleurs ce qu’elles avaient toujours connu... Le Mexique fut donc envisagé comme destination première pour une cinquantaine de moniales (voir plus haut). L’Espagne serait à l’heure actuelle le nouvel eldorado des « rebelles » puisqu’une centaine de religieuses pourraient y être « hébergées » par des évêques de diocèses dont nous n’avons pu recouper l’identité et la localisation au moment de la publication de ces lignes. Pour préparer cet « exil » et prendre les décisions idoines, une sorte de chapitre « sauvage » serait organisé à l’initiative des sœurs « dissidentes ». Il pourrait même se dérouler en l’absence des responsables ecclésiastiques en charge du dossier et de la communauté.
Dans un tel cadre,force est de constater qu’une scission de fait est en train de se produire au sein des Sœurs contemplatives de saint Jean : d’un côté, le « départ »hypothétique d’une grande partie de la communauté en direction de l’Espagne ; de l’autre côté, les religieuses « restantes » acceptant les nouvelles directives voulues par le Vatican et le cardinal Barbarin sous la férule de Mgr Bonfils. D’ailleurs, ce dernier ne songe pas à changer de cap et compte appliquer son « programme » tant que le nombre de sœurs en partance n’atteindra pas 200 !!! Elles seraient à l’heure actuelle plus de 120 sans compter les sœurs du prieuré de Princeville aux États-Unis qui seraient , elles aussi, prêtes à rejoindre leurs consœurs en mutinerie.
Philippe Barbarin face à la transparence d’un dossier
En définitive, cette nouvelle « affaire St Jean » met en avant un problème essentiel que l’on peut résumer de la manière suivante : Quelles graves anomalies ont été mises au jour par les personnes chargées de la mission d’ « assistance de gouvernement » ? Nous en avons donné plus haut les grandes lignes. Cependant , l’archevêque de Lyon s’honorerait à communiquer sur la teneur précise du rapport qu’il a fait envoyer au cardinal Rodé en charge au Vatican du dicastère de la Vie religieuse. Un rapport qui a notamment conduit à la « mise à l’écart « de l’équipe dirigeante des Sœurs contemplatives de saint Jean .
A cette question centrale, l’archevêque de Lyon devrait pouvoir répondre . Il a en mains toutes les données d’une situation plus que préoccupante. Une attitude de transparence de sa part permettrait de rendre service non seulement aux familles « pro saint Jean », actuellement déboussolées mais aussi, et surtout, aux 80 jeunes filles (très jeunes souvent) toujours sous l’autorité morale de leurs anciennes responsables. Sans oublier les moniales aux vœux perpétuels qui envisageraient de quitter les Sœurs contemplatives de St Jean du simple fait du limogeage de leur « fondatrice ». Tout ce petit monde échafaudant... des couvents en Espagne pour s’affranchir de la restructuration de leur communauté.
Une vraie communication sur ce dossier sensible permettrait un meilleur discernement des un(e)s et des autres. Sinon que cherche-t-on à cacher et aux un(e)s et aux autres ?
Philippe Barbarin qui agi dans cette affaire de manière énergique et saine ne peut rester sourd à ces interrogations.
Il en va de sa crédibilité et de la réussite d’une opération de sauvetage humain et de salubrité ecclésiale plus que nécessaire. Indispensable !
( in Golias)