Le bien-être animal, une notion qui fait son chemin
De Boris CAMBRELENG (AFP) – Il y a 2 jours
PARIS — Les souffrances endurées par les animaux d'élevage sont de mieux en mieux connues des consommateurs grâce aux efforts d'associations et de scientifiques qui militent pour que leur statut, de bien assimilable à un objet, évolue vers celui d'être sensible.
"Pour le philosophe Descartes et ses successeurs, dont le pire était Malebranche, les animaux étaient de simples machines assimilables à des automates ou à des horloges", rappelle le neurobiologiste et philosophe Georges Chapouthier.
Pourtant, la quasi-totalité des animaux réagissent comme l'homme aux stimuli mécaniques, chimiques ou thermiques dans leur environnement pour protéger leur intégrité physique, par un mécanisme étroitement lié à la douleur.
"La douleur suppose une forme de conscience et personne ne conteste le fait que les animaux, au moins ceux dits supérieurs, en ont une", dit M. Chapouthier.
La conscience que possèdent les animaux de leur environnement, dite d'accès, est aisément démontrable: un chien ne se comportera pas de la même façon s'il s'attend à être battu ou récompensé.
La conscience de soi, dite phénoménale, est plus difficile à mettre en évidence. Elle peut être prouvée par la capacité à se reconnaître dans un miroir, ce qui fonctionne bien notamment pour le chimpanzé. Elle a aussi été détectée chez le dauphin, ainsi que chez au moins une éléphante et une pie, rapporte M. Chapouthier.
Pour Aurélia Warin-Ramette, chargée de mission à l'association PMAF (Protection mondiale des animaux de ferme), cette forme de conscience existe aussi chez le porc, un animal élevé en France à 99% de manière industrielle avec des pratiques parfois cruelles dénuées de toute justification économique.
"La réglementation dit que personne ne doit plus couper les dents et les queues de cochons de manière routinière, car cela ne sert à rien, mais personne ne le sait", s'indigne cette éthologue qui souligne l'exceptionnelle sensibilité et intelligence de l'animal.
Naturellement, les truies construisent un nid pour leurs petits, mais elles sont encore souvent enfermées dans des stalles trop étroites pour leur permettre de se retourner, "ce qui provoque des comportements répétés et anormaux prouvant que l'animal est frustré", précise Mme Warin-Ramette.
Heureusement, la réglementation évolue grâce à l'action des associations de défense des animaux au niveau européen. Depuis 2003, les nouveaux élevages ne doivent plus comprendre de stalles. Et à partir du 1er janvier 2013, ces cages devront avoir été totalement supprimées.
Les obligations légales, pas toujours appliquées, restent pourtant souvent minimales, regrette Ghislain Zuccolo, directeur de la PMAF.
Pour les volailles en batterie, "la réglementation européenne est de 42 kilos par m2, c'est beaucoup beaucoup trop", estime M. Zuccolo qui préconise l'achat d'oeufs de poules élevées en liberté.
A partir de 2012, les poules pondeuses dans l'UE devront disposer de 750 cm2 chacune (soit 13 poules par mètre carré), contre 550 cm2 aujourd'hui, et disposer d'un petit perchoir, d'un grattoir et d'un nid sous la forme d'un coin sombre.
La PMAF milite pour que le bien-être animal soit pris en compte non seulement pour l'élevage, ce qui est le cas dans l'agriculture biologique, mais aussi pour le transport et l'abattage.
Signe que les mentalités évoluent, l'association est en négociation pour signer dans les prochains mois une charte avec le géant de distribution Carrefour. Elle exigerait de ses fournisseurs des bonnes pratiques dans ce domaine.