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 L’Église, la pédophilie et la purification imaginaire de nos sociétés

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MessageSujet: L’Église, la pédophilie et la purification imaginaire de nos sociétés   L’Église, la pédophilie et la purification imaginaire de nos sociétés Icon_minitimeJeu 1 Avr - 17:06

L’Église, la pédophilie et la purification imaginaire de nos sociétés
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01/04/2010

Jean-Philippe TROTTIER

Les révélations sur les manœuvres passées de l'Église entourant des cas de pédophilie de certains prêtres suscitent une indignation publique bien légitime. Mais sans pour autant se faire l'avocat du diable, il serait bon aussi d'examiner le terreau culturel qui voit fleurir ce sentiment. Et ce n'est pas parce que la question a été happée dans la sphère émotionnelle que l'on est dispensé de s'interroger. Deux remarques troublantes viennent à l'esprit.
La première concerne l'intérêt médiatique et public morbide suscité par l'Église dès lors qu'il s'agit de certaines questions controversées : mariage des prêtres, ordination des femmes, préservatif, etc. Comment se fait-il que cet intérêt s'estompe totalement lorsque celle-ci parle et œuvre en faveur de la charité, de la paix, des déshérités, de la dignité des peuples, ou qu'elle fustige les méfaits des multinationales sur les cultures locales ou bien la peine de mort ? Se souvient-on encore, par exemple, de ses efforts désespérés pour empêcher la guerre d'Irak en 2002 et 2003 ? Qui a, par ailleurs, compris le sens de la visite pastorale de Benoît XVI en Afrique en 2009, éclipsé par la presse occidentale au profit du fallacieux prétexte du préservatif, cité hors contexte mais beaucoup plus sensationnaliste ?

Deuxièmement, cette tendance de se tourner vers l'Église pour l'accuser est symptomatique d'une crise de nos sociétés modernes. Il s'agit de la crise d'autorité, notamment de celle du père. Père au sens ecclésiastique et père au sens de parent. Ce dernier est celui qui fait grandir et passer à l'âge adulte, mais notre époque festive semble s'être détachée de cette loi : elle vit dans un éternel présent. En perpétuelle immaturité, elle n'en réclame pas moins la présence du père exécré afin de se justifier et se structurer. Mais le jeu est illusoire et infini car nous avons cessé de vouloir grandir. Et une société qui refuse de mûrir est une société qui refuse le sacrifice, lequel relève précisément de la fonction sacerdotale : on ne pardonne pas au prêtre sa raison d'être. Toutefois, si on se détourne de lui, on ne lui demande pas moins d'être pur.
Ce tableau général étant brossé, est-on alors légitimement fondé de s'interroger sur la cadence, presque trop parfaite, des révélations de cas de pédophilie, et sur les intérêts individuels et collectifs qui sont en jeu ? Au-delà des souffrances réelles à réparer, à qui profite cet affaiblissement programmé d'une institution et d'une religion ? Le vide créé ne suscitera-t-il pas un appel d'air ?
Maintenant, il ne s'agit pas ici d'innocenter l'Église ni les quelques prêtres qui ont abusé de leur autorité pour assouvir leurs fantasmes. Encore moins de nier les torts infligés. Certains faits sont là. La question est de comprendre que la colère démesurée qui saisit l'opinion publique doit également beaucoup à des réalités qui dépassent l'Église mais dont elle est la victime circonstancielle et bien trop facile.
Ainsi, comment comprendre que, jusqu'à quarante ans plus tard, des adultes sortent de leur anonymat et dénoncent des abus passés (ou encore apostasient)? Courage, lâcheté, opportunisme ? La cause réside-t-elle dans la culture du secret que l'Église cultive trop jalousement ou bien dans la possibilité de porter désormais des accusations avec de juteux dédommagements à la clé, sans trop de risques puisque l'institution a perdu sa force et son prestige? Le roi, naguère puissant, se meurt. La cour, qui se détourne de lui, déterre au moment opportun les abus du régime passé, sachant que les coffres sont encore pleins.
Comment, également, ne pas rapprocher le fait que la pédophilie est le nouveau péché capital de l'heure avec une idéologie promue par des organismes tels que l'ONU, ses agences et d'autres entités, voués à la défense des enfants et des mères ? Accuser le père de pédophilie n'est-il pas le meilleur moyen de le discréditer moralement et d'installer une mère toute-puissante ? On se rappellera, à cet égard, le passage des Monologues du vagin où une fillette de 13 ans découvre son sexe grâce à une secrétaire de 24 ans. Un viol d'après nos normes, ce qui n'empêche pas l'auteure de rapporter que c'était bon viol! Personne n'a crié à la pédophilie et le livre a été salué comme un ouvrage libérateur. Pourquoi alors ne pas imaginer que certains cas de pédophilie masculine jouent le même rôle auprès d'un enfant, surtout lorsqu'il est isolé émotionnellement de son entourage? La pédophilie a-t-elle un sexe?
Comment, par ailleurs, ne pas voir que la recherche de pédophiles ressemble étrangement à une nouvelle chasse aux sorcières ou à un nouveau maccarthysme anticatholique? Nous sommes ici dans l'émotivité et l'incantation les plus totales, terreau trop favorable à un climat de soupçon et de délation généralisées. La pédophilie est partout, jusque dans le regard, un simple geste de tendresse, une marque d'affection d'un adulte à un enfant. Et tant pis si bien de prêtres sont injustement accusés : leur souffrance ne cadre pas avec les impératifs moraux de l'heure ou les rituels purificateurs d'une société obsédée à la fois par son innocence et par sa libération sexuelle. Dans ce contexte, les victimes, vraies ou fausses, ne bénéficient-elles d'une totale présomption d'innocence du simple fait qu'elles se disent telles? C'est le symptôme de sociétés immatures, où l'enfant est placé sur un piédestal.
Quels que soient les gestes de bonne volonté de l'Église, les enfants éternellement blessés - donc éternellement enfants - que nous sommes demandons au père, Benoît XVI, de payer et de démissionner. Il ne le fera sans doute pas car il dirige une institution qui se veut dans le monde et au-delà du monde, selon une réalité qui ne se passe tout simplement pas à notre époque qui ne voit dans l'Église qu'un simple club de bonnes œuvres. Après tout, si le XXe siècle a connu plus de martyrs orthodoxes que les dix-neuf précédents du fait du communisme, est-il exagéré d'envisager une dérive semblable dans un Occident qui a, lui aussi, trahi le sens du divin au profit d'une pureté humaine imaginaire?

Jean-Philippe TROTTIER
Essayiste
Montréal
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