Ce samedi, le prêtre nantais célébrera sa dixième et dernière messe pour les SDF morts dans la rue à Nantes. Jean Tessier quitte l'association L'Écoute de la rue qu'il a créée il y a quinze ans. Mais pas les plus démunis.
Jean Tessier n'a jamais eu de presbytère. La rue est la paroisse de ce prêtre-ouvrier de l'école du Prado qui n'a eu cure, depuis 54 ans, que de s'engager auprès des plus démunis. À peine a-t-il eu une maison, lui qui a choisi de vivre comme ceux auxquels il vient en aide : dans les années cinquante, dans une roulotte installée dans le quartier de Certé à Trignac, dix années durant dans un « taudis » de la rue de Richebourg à Nantes, dans un wagon désaffecté derrière la gare de la Blancarde à Marseille, à Guelma en Algérie de 1963 à 1974. « Une phrase d'Antoine Chevrier, fondateur du Prado, a guidé mon action : Soyez à l'égal des pauvres pour être avec eux, vivre avec eux et mourir avec eux. »
Aujourd'hui, à 83 ans, Jean Tessier vit à Nantes, dans une communauté de prêtres. Et s'excuse du confort ¯ relatif ¯ de son F1 avec ascenseur. Plus le choix, la rue a eu raison de ses guiboles qui n'ont eu de cesse de battre le pavé nantais, ces quinze dernières années. « Tous les plus démunis de Nantes connaissent le père Tessier. Il ne peut pas sortir dans la rue sans s'arrêter quand il perçoit des gens en grande précarité. Toujours à l'écoute », témoigne Jean-Yves Lemoigne, aujourd'hui président de la bien nommée association La Fraternité, l'Écoute de la rue, que Jean Tessier a créée il y a seize ans à Nantes. « C'est une personnalité avec un engagement total dans le cadre de son ministère. Qui n'a jamais hésité non plus à aller au-devant des élus pour dénoncer des manquements. »
André Labat, ancien compagnon de L'Écoute, abonde dans ce sens : « Jean n'est pas un beau parleur : il met en action ce qu'il dit, humblement. Il m'a tout appris des gens de la rue, que je ne connaissais pas. Il m'a appris à les regarder, à les connaître et à les accompagner. Pas avec pitié, ni compassion mais en étant vrai. »
À Nantes, Jean Tessier a successivement été en charge de l'asile de nuit pour les SDF de la rue des Hauts Pavés, aumônier en prison. Ou a encore participé à la fondation du Casa, collectif d'action des sans-abri, et du Nid, mouvement de soutien aux prostituées. Deux rencontres l'y ont mené à fonder l'Écoute et à accompagner les laissés pour compte jusque dans la mort : « Marion Cahour qu'on appelait le médecin des pauvres et François Gourvennec, des figures immenses dans leur combat pour la justice des plus démunis. Je me rappelle, Marion Cahour, si révoltée par leurs corps qu'on emmenait au cimetière, sans respect, sans prière et qu'on déposait dans la fosse. C'est poussée par eux que l'Écoute de la rue est née. Puis j'ai mis en place cette célébration pour redonner du respect à ceux qui ont déjà été abandonnés dans leur vie. » Ce samedi, ils seront douze sans abris à retrouver un peu de dignité lors de la dernière célébration de Jean Tessier.