Décidément, plus ça va plus l'homme semble enclin à vider les océans de toutes les formes de vie qui en font sa richesse. Après les baleines qui ont faillit disparaître, après le thon rouge qui défraye l'actualité depuis de nombreux mois, rien ne dit que le massacre va s'arrêter. Chaque année, près de 100 millions de requins sont tués pour leurs ailerons et il faudrait bien plus que deux mains pour compter le nombre d'espèces ainsi surexploitées et qui pourraient disparaître dans les décennies à venir.
La raréfaction de certains animaux ne conduit pas forcément à une prise de conscience et à une pêche plus raisonnée. Non, elle conduit les industriels à réfléchir à ce qui pourrait devenir leur nouvelle cible. C'est ainsi que le krill de l'antartique aiguise aujourd'hui les appétits et se retrouve dans une position bien incofortable. Le krill est une petite crevette translucide qui pèse à peine quelques grammes. Pas de quoi se faire un bon gueuleton me direz-vous, sauf que cette bestiole a pour particularité d'être présente en abondance et on estime qu'il pourrait y en avoir jusqu'à 500 millions de tonnes dans l'océan austral. Un chiffre totalement hallucinant quand on sait que chaque année ce sont au total environ 80 millions de tonnes de poissons qui sont capturés.
Cette profusion fait la joie de nombreux prédateurs, à commencer par les baleines, les phoques, les poissons et les manchots qui les dévorent avec gourmandise.
Véritable base de la chaîne alimentaire, cette petite crevette a longtemps échappé à l'appétit de l'industrie de la pêche. Dès les années 70, certains ont commencé à vouloir exploiter cette ressource, mais ils se sont heurtés à des difficultés techniques et, surtout, à un coût d'exploitation très important. La fragilité de ces petits crustacés rend leur capture délicate car ils sont écrasés dans les filets, sans parler des risques qu'il faut prendre pour pêcher dans ces régions peu accueillantes.
A l'heure actuelle, environ 100 000 tonnes de krill serait pêchés chaque année, ce qui est tout à fait raisonnable au vu de la profusion de la ressource. Le problème, c'est que les scientifiques ont découvert que cette crevette possédait des molécules particulièrement intéressantes et qu'elle peut-être utilisée dans l'alimentation pour soigner ou prévenir certains maux.
Pour ne rien arranger, l'industrie de la pêche a bien planché sur la question et a mis au point un système d'aspiration à l'intérieur même du chalut, ce qui évite d'endommager la fragile carapace de cette petite bestiole. Cela limite les pertes et donc augmente les profits. Dès lors, devenu rentable, le krill est en danger et il convient d'ores et déjà de se montrer particulièrement vigilants à ce sujet.
Surpêcher cette espèce reviendrait à mettre en péril l'avenir même de la faune marine dans son ensemble. C'est un peu comme si nous choisissions de détruire l'ensemble des prés de la planète et que nous nous étonnions ensuite que les animaux meurent de faim. Reste à savoir si ces risques immenses permettront de raisonner certains industriels qui ne voient là qu'un énorme trésor à ramasser et à convertir en billets de banque.